[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [ÉTRANGER] [MUSIQUE] Salut tout le monde. Je suis Luciano. Je suis brésilien. Je suis de Belo Horizonte et je suis ici en France depuis 2019. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Vous êtes né dans une ville qui s'appelle Belo Horizonte. Où est-ce que c'est au Brésil? C'est dans la région sud-est. C'est une des principales villes du Brésil. Elle est en peu entre Rio de Janeiro et São Paulo, qui sont les deux villes les plus connues. Elles forment pratiquement un triangle. C'est une ville où il n'y a pas de plage. C'est dommage. Elle est connue pour ça. Mais par contre, elle a une économie importante dans le pays aussi. Elle est vue comme un centre important et elle a une université très importante où j'allais, c'est UFMG. >> À quoi ressemblait votre enfance dans cette ville? >> Il faut que je dise que je suis enfant unique. Et je pense que c'est un des facteurs les plus importants dans une enfance. Une grande partie aussi de mon enfance, j'étais chez ma grand-mère. Pendant que mes parents travaillaient, je restais chez ma grand-mère, et après, j'allais à l'école pendant l'après-midi. Et chez ma grand-mère, j'avais mes tantes qui étaient pratiquement mes sœurs. On a grandi ensemble. >> Vous avez passé l'équivalent de votre baccalauréat et qu'est-ce que vous avez choisi comme type d'études? >> C'est très intéressant cette histoire. J'aimais beaucoup les jeux vidéo, Jurassic Park et aussi d'autres films, par exemple Start Wars. Tous ces films et les jeux vidéo m'ont fait beaucoup aimer les sciences. Et quand j'ai été au Lycée, j'ai eu l'opportunité de faire un cours technique. C'est une chose qu'on a au Brésil, qu'on peut faire en parallèle avec le lycée. J'avais dans ma tête que je ferais un Playstation. Du coup, j'ai choisi l'électronique. J'ai fait les cours en électronique, et après les cours, j'ai fait un stage dans le domaine de contrôle et automation. Et tout ça m'a permis de découvrir que j'aimais beaucoup le génie électrique. Et c'était ça qui m'a poussé à le faire à l'université. >> Quand est-ce que le français est entré dans votre vie? Est-ce que c'est durant l'école primaire, le lycée ou alors à l'université? >> Ça, c'est une chose curieuse. Normalement, on apprend l'anglais par contact. On joue aux jeux vidéo, on est sur le Web et on a le contact avec l'anglais, mais pas le français. Je n'avais pas eu de contact avec le français avant de le chercher. Ce qui est arrivé avec moi c'est que quand je suis entré à l'université, je souhaitais beaucoup faire un échange et j'étudiais les options. Je vous avoue qu'initialement, je souhaitais aller en Allemagne. Mais par contre, j'ai perçu qu'il n'y avait pas de bonnes opportunités d'aller en Allemagne, chose que j'ai trouvée en France. Les élèves brésiliens ont l'opportunité de venir en France faire un échange de double diplôme. Du coup, on a le diplôme brésilien et le diplôme français d'ingénierie. Et aussi, la France a des programmes de bourses, par exemple la bourse Eiffel. C'est une bourse pour les étudiants des pays en développement tels que le Brésil, la Chine et des pays africains. J'ai eu la chance d'avoir une bourse du gouvernement. Et pour moi, c'était fondamental pour faire mon échange. Et le Brésil a aussi une bourse qui s'appelle CAPS du gouvernement brésilien pour que les étudiants brésiliens viennent en France. J'ai des amis qui sont venus avec cette bourse. >> Quand vous êtes arrivé en France, vous parliez français? >> Oui, je parlais le français parce que j'ai décidé de venir en France. Il y a eu un jour où j'ai pris cette décision. Je me suis dit, il faut que j'apprenne le français. Si on vit dans un pays et on ne parle pas la langue, on va perdre toutes les opportunités. C'est fondamental, parler la langue du pays où on vit. D'un autre côté aussi, il y avait l'exigence des universités françaises de parler le français pour venir. Il y a un niveau minimum pour pouvoir venir. Aussi pour les sélections de bourses, ça fait la différence entre les candidats, pouvoir parler ou pas le français. Ce qui est arrivé avec moi c'est que j'avais beaucoup de détermination, et je me suis dit : Comment ai-je appris l'anglais? Et j'ai perçu qu'en plus grande partie, c'était par moi-même chez moi avec les contacts naturels. Eh bien, je n'avais pas ce contact-là avec le français. Mais par contre, quand j'étais petit, il y avait un magazine hebdomadaire de cours d'anglais que mes parents achetaient en feed cassettes. Et j'ai trouvé ce même cours en français. Le même cours que j'avais fait en anglais, ils l'avaient en français. Et donc, j'ai suivi ce cours avec beaucoup d'enthousiasme pendant mes vacances. Je ne faisais que ça pendant mes vacances d'été. Après ça, j'avais atteint le niveau B1 en français. Pour pousser plus, j'ai cherché dans mon université des opportunités de cours de langues. J'ai trouvé un cours dans mon université, et dans ce cours, j'ai eu deux professeurs sénégalais qui m'ont beaucoup aidé à apprendre le français. C'étaient des cours de qualité avec peu d'étudiants et ce n'était pas du tout cher. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Quelles images vous aviez de la France avant, et qu'est-ce que vous découvrez sur place? >> J'imaginais la France comme un lieu où l'hiver était très froid et que je souffrirais beaucoup pendant l'hiver. J'imaginais de la neige, j'imaginais aussi des Français marchant dans la rue avec une baguette sous le bras, avec des petites moustaches, des gens qui puaient, parce qu'il y a ce stéréotype que les Français ne prennent pas leur douche. J'aurais des difficultés pour parler avec parce qu'ils refusent totalement de parler l'anglais. J'avais la crainte qu'il pourrait y avoir un moment où je ne pourrais pas bien m'exprimer en français et que les Français refuseraient de parler l'anglais. >> Alors, qu'est-ce qui s'est passé? >> Je suis arrivé en 2019 et vraiment, j'ai vu des Français avec des baguettes sous leur bras. Ça, c'est vrai. Par contre, je n'ai pas vu beaucoup de Français avec des moustaches. Ça, ce n'est pas vrai. J'ai connu beaucoup de Français et la majorité d'entre eux avaient une odeur très bonne. [RIRES] Par contre, les transports en commun puent vraiment. Quant à la neige, c'est ma déception. Depuis que je suis ici, il a neigé juste une fois. J'avais un examen, je n'ai pas pu sortir pour voir la neige. Je me suis dit qu'il neigerait après, il n'a plus jamais neigé. Par contre, il y a le canicule. Ça, je souffre. La France, elle est préparée pour le froid. Les bâtiments ont du chauffage. On peut s'habiller, on peut acheter des manteaux qui nous laissent à l'aise avec le froid. Mais la chaleur, il n'y a pas de manteau [RIRE] pour la chaleur, et les bâtiments ne sont pas préparés pour la chaleur. >> Mais est-ce que vous avez pu rencontrer facilement des gens? >> La première chose qui m'est arrivée en France c'est que je suis à l'aéroport et j'avais un doute par rapport à mon bagage. Donc, j'ai cherché un employé dans l'aéroport. C'était la première fois que je parlais français avec un Français. Et j'ai dit : Excusez-moi, monsieur. Sauriez-vous? Et il m'a dit : Bonjour. Et j'étais un peu coincé, donc j'ai essayé de recommencer : Excusez-moi. J'aimerais savoir. Et il m'a ignoré pendant quelques secondes, et après, il m'a dit : Bonjour. Et après quelques secondes, j'ai compris finalement qu'il voulait entendre « bonjour ». Parce qu'en portugais, on dit [ÉTRANGER]. C'est l'équivalent de excusez-moi, et ça suffit pour ouvrir une conversation avec une personne étrangère. Par contre, en France, les Français veulent entendre le mot bonjour. Et c'est arrivé avec moi après une fois de plus avec un autre Français. Après ces expériences, chaque fois que je trouve quelqu'un que je veux aborder dans la rue, je dis : Bonjour monsieur, excusez-moi. Ce sont vraiment des choses qu'on n'apprend pas dans le cours de français et qui ont des impacts dans nos vies. Mais les gens, j'étais surpris d'une façon positive. Parce que normalement, on dit que les Français ne sont pas ouverts, on dit que les Français ne parlent pas l'anglais. Mais ce que j'ai trouvé ici, ce sont des gens qui m'ont aidé, ils avaient un esprit ouvert. Bien sûr, il faut dire bonjour, mais les gens, même quand, par exemple, j'ai eu des difficultés avec le Français, il y a eu des occasions où on parlait avec moi en anglais même sans me demander. Et les professeurs sont là aussi pour aider les élèves. Bien qu'ils aient déjà leurs groupes parce qu'ils se connaissaient déjà avant, ils ne sont pas un groupe totalement fermé non plus. On peut converser, on peut avoir des doutes et faire des échanges. Pour moi, il n'y avait pas un mur. >> Justement, à Télécom Paris, dans l'enseignement ou dans les rapports avec vos camarades, quelles sont les grandes différences avec l'université brésilienne dont vous venez? >> Par rapport aux professeurs, le rapport professeur-élève en France, il est plus vertical qu'au Brésil. En France, il faut dire monsieur, et normalement, on dit le nom, pas le prénom. Et au Brésil, au contraire, quand on est des enfants, on appelle les enseignants oncle ou tante. Et après, quand on est plus âgé, on commence à les appeler surtout des [ÊTRANGER]. C'est une façon réduite de professeur en portugais. On coupe le mot. Bien sûr, à l'université, on dit « professeur » et on se traite par nos prénoms. C'est plus horizontal. Avec les autres élèves, il y a surtout une différence de type de raisonnement. Parce que les Français, ils ont une base, et je pense que c'est la plus grande différence avec les élèves d'autres pays, leur base en mathématiques est très différente. Ils viennent des cours préparatoires, donc ils ont un niveau de mathématiques très élevé. On comprend bien pourquoi plusieurs théorèmes ont les noms de mathématiciens français : Laplace, Lagrange, Fourrier. Les Français vont plus loin que normalement on voit dans les autres pays, dans les mathématiques. Au Brésil, on commence à étudier des matières plutôt techniques avant. Par exemple, je peux faire le parallèle : pendant qu'on étudiait les circuits électroniques, les Français étudient encore les mathématiques. Ça, c'est une différence. La formation d'ingénieur au Brésil est plus pratique. On nous prépare pour mettre en place les solutions pour les problèmes. Du côté français, c'est un cours plus théorique, et on réfléchit parfois sur des problèmes qu'on aura dans l'avenir. J'ai l'impression que l'ingénieur brésilien est plus préparé pour résoudre les problèmes actuels, et l'ingénieur français est plus préparé pour innover. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Ça fait maintenant plus d'un an que vous êtes en France. Est-ce que votre rapport à la langue française a évolué? >> Mon rapport avec la langue française évolue toujours. D'abord, je pense que quand on parle une autre langue, même notre personnalité change un peu. Juste par le fait qu'on parle une langue étrangère, on est moins confiant en soi parce que ce n'est pas notre zone de confort. Et en plus, je dirais aussi que quand on parle le français, il faut être attentif, par exemple, à l'utilisation de tu et vous. En portugais, on dit toujours [ÉTRANGER]. Même si c'est par exemple avec le médecin, on ouvrira la conversation avec un titre plutôt de respect, c'est [ÉTRANGER]. Mais après, on peut continuer à parler [ÉTRANGER]. [ÉTRANGER], c'est l'équivalent de tu. Et on va seulement changer la façon de traiter la personne si elle est beaucoup plus âgée que nous. Si par exemple on parle avec un monsieur de 60 ans, on va l'appeler [ÉTRANGER]. Et même quand il y a des personnes plus âgées qui sont plus ouvertes, on va même diminuer cette forme et on va dire juste [ÉTRANGER]. C'est toujours moins stricte, la façon dont on approche. Par contre, en France, si c'est une personne dont on n'a aucune idée qui elle est, on va dire vous. Si c'est notre professeur, on va dire vous, même s'il y a des professeurs qui sont plus ouverts et qui nous tutoient. Et je vois aussi que, au moins dans les séries françaises, même dans quelques familles, on se vouvoie. Et ça, c'est complètement bizarre pour nous. Cette façon de parler nous laisse plus conscients de nos rapports avec les autres personnes. >> Comment est-ce que vous imaginez l'avenir? Vous êtes encore en France pour l'année scolaire, et ensuite, qu'est-ce qui va se passer? >> Je continuerai ici en France pour poursuivre mes études après avoir eu mon diplôme. J'ai trouvé un professeur avec qui j'ai fait un excellent travail, et il m'a invité à faire une thèse avec lui de doctorat. J'aimerais contribuer avec la recherche et le développement et je ferai un doctorat en Blockchain. C'est la base, par exemple, de Bitcoin. C'est peut-être l'utilisation la plus célèbre de la technologie. Et après, je pense que soit je travaillerai dans une entreprise de recherche, par exemple CEA, ou dans une université où je peux donner des cours comme enseignant-chercheur. >> Donc, vous imaginez votre avenir en France. >> Oui, j'imagine mon avenir en France. J'ai bien aimé le pays, et j'aime aussi les personnes que j'ai trouvées ici. Je pense que grandir en France et avoir une famille en France, ça donne beaucoup d'opportunités pour les personnes. La France est un pays où la liberté est vraiment une valeur. C'est même dans la devise du pays. Ici, il y a une chose, c'est la sécurité. Bien qu'il y ait parfois des attentats, c'est en général un pays où les personnes grandissent sans souci avec leur sécurité personnelle. Et je pense que ça, c'est très important. C'est même une nécessité basique de l'être humain. On étudie ça dans les sociologies. Au Brésil, au moins moi, j'ai été deux fois braqué. Et ça donne un sens d'insécurité beaucoup plus important. Par exemple, on évite de sortir dans la rue pendant la nuit. On ne marche pas à pied dans quelques zones. Ici en France, au moins à Paris, on voit que les gens circulent beaucoup plus à l'aise. En même temps, on a des opportunités pour s'épanouir, quel que soit le domaine, comme l'art, les sciences, les humanités. Le fait que la France est au cœur de l'Europe, c'est un lieu où on trouve beaucoup de cultures. Il suffit de marcher dans la rue pour entendre beaucoup de langues. Ça, c'est très enrichissant. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Merci beaucoup, Luciano, pour cet entretien. Passons maintenant au questionnaire final. À quelle couleur associez-vous la France? >> Le bleu, à cause du maillot de l'équipe de France et le drapeau. >> À quelle odeur? >> Malheureusement, il faut que je dise le RER-B. C'est plutôt une mauvaise odeur. >> À quelle saveur? >> Le chocolat noir. >> Quel est votre paysage préféré? >> Le jardin de Versailles. >> Quel est votre son préféré? >> La pluie qui tombe. >> Votre sensation préférée? >> La liberté. >> Concernant la langue, quel est votre mot préféré à prononcer ou à utiliser en français? >> « Intéressant ». Les nasales sont assez distinctes en français, et j'aime bien quand on commence une phrase avec « intéressant », parce que probablement, ce qui suit, c'est intéressant d'écouter. >> Quel est votre mot détesté? >> C'est un binôme de mots : dessus dessous. Je pense que c'est le pire binôme de mots en français, parce que ça cause beaucoup de confusion. Il n'y a pas une distinction entre u et ou dans ma langue maternelle, et c'est complètement opposé l'un de l'autre. >> Quel est le mot de votre langue maternelle qui manque à la langue française? >> [ÉTRANGER]. [ÉTRANGER], c'est un sentiment par exemple, tout le monde qui vient en France et qui laissent leurs familles dans leurs pays, ils vont sentir [ÉTRANGER] de leur famille. C'est un sentiment en rapport avec les personnes qui nous manquent. >> Et quel est le mot qui existe en français et que vous n'avez pas dans votre langue maternelle? >> Les mots qui n'existent pas, ce sont les pronoms en et y. C'est difficile de les utiliser naturellement parce que c'est vraiment particulier au français, en et y. [MUSIQUE]