[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour et bienvenue. Pour réussir la transition vers un monde bas carbone, nous devons modifier profondément les règles actuelles du jeu économique. Plusieurs institutions sont parties prenantes, les régions, les villes et les communes, les institutions internationales, les banques de développement. Dans cette séquence nous évoquerons d'abord le rôle central de l'État pour impulser et conduire la transition. On va traiter plusieurs aspects essentiels du rôle de l'État. [BRUIT] L'État est en première ligne pour faire face aux dommages climatiques. L'État est garant de la stabilité a long terme et peut, lui seul, être stratège et planifier. L'État est garant du droit et, lui seul, peut mettre en place et faire respecter des normes et des règlements qui permettent la transition. L'État est garant de l'intérêt général et, lui seul, peut prélever et allouer les ressources fiscales qui permettent de soutenir la réorientation de l'économie fossile vers une économie décarbonée. [BRUIT] La question du rôle de l'État ne se pose bien sûr pas partout de la même manière. Dans les économies développées, l'État joue un rôle central, même dans les économies les plus libérales. Dans les pays émergents, dans les pays les moins avancés aussi, la notion même d'État peut être différente, selon l'histoire et la culture du pays. La démocratie, dans le sens où on l'entend en Occident, n'existe pas partout. La guerre civile, les guerres extérieures, menacent parfois l'existence même de l'État. Dans cette séquence, nous n'aborderons que les aspects économiques du rôle de l'État dans la transition. [BRUIT] Nous avons connu récemment plusieurs catastrophes naturelles liées au changement climatique. [BRUIT] En France, la crue de la Seine et de ses affluents au printemps 2016 aurait coûté près de deux milliards d'euros. Le système français oblige les propriétaires à s'assurer et les assurances à alimenter un fonds réservé à la couverture des catastrophes naturelles. [BRUIT] C'est l'État qui décide si un événement relève d'une catastrophe naturelle. Alors les assureurs peuvent puiser dans ce fonds pour indemniser les propriétaires. [BRUIT] Les incendies de Fort McMurray au Canada, en juillet 2016, auront coûté très cher à l'État canadien, mobilisation de moyens de lutte contre l'incendie, hébergement temporaire pour 90 000 personnes, arrêt d'activités économiques, et donc de rentrées de taxes et d'impôts. [BRUIT] Dans les pays où l'assurance des propriétaires n'est pas obligatoire l'État se retrouvera en première ligne pour payer les coûts des dommages climatiques. [BRUIT] En Floride, par exemple, les assureurs privés se sont majoritairement retirés du marché de l'immobilier côtier, en raison du risque de montée du niveau de la mer. La moitié de la zone actuellement peuplée de l'agglomération de Miami, six millions d'habitants, pourrait se retrouver sous les eaux d'ici 2050. [BRUIT] En l'absence d'intervention des assureurs privés, l'État sera directement exposé aux coûts des catastrophes naturelles. Et c'est le cas dans la plupart des pays du Sud. [BRUIT] L'État doit donc agir pour les éviter, c'est-à-dire promouvoir la transition mais aussi se doter des moyens financiers pour faire face à ces coûts. [BRUIT] Abordons maintenant le deuxième point, l'État, garant de la stabilité à long terme. Seul l'État peut être un stratège et planifier. [BRUIT] Nous avons vu que les investissements de la transition sont pour beaucoup de grands projets d'infrastructures ou des déploiements massifs de solutions décentralisées. Des réseaux ferroviaires, des tramways, le développement de véhicules légers ou électriques avec le déploiement de bornes de recharge, la rénovation thermique des bâtiments, le déploiement de kits solaires, des systèmes de cuisson solaire dans les pays où c'est adapté, de la reforestation. Ce type de projets représente des investissements lourds. Pour que leurs coûts soient acceptables pour la collectivité, il est nécessaire de les financer sur une longue durée, dix, 20, 30 ans ou plus. Mais, pour que les investisseurs privés puissent s'engager sur une durée aussi longue, ils ont besoin d'être certains que le cadre tarifaire et réglementaire soit suffisamment stable. En général, c'est l'État qui est le mieux à même de garantir cette stabilité. L'instabilité macro-économique et le risque politique sont les deux freins les plus importants à l'investissement direct Nord-Sud, selon une étude de la MIGA, la filiale d'assurance de la Banque mondiale. Prenons un autre exemple, la planification territoriale. Pour réussir la transition au Sud, il faudra préférer construire des villes compactes et moyennes, plutôt que des mégalopoles congestionnées avec des transports saturés. Ceci ne peut se faire qu'en planifiant très à l'avance l'ensemble des réseaux dans ces villes, et en gérant les autorisations foncières de manière centralisée. La transition ne peut donc se faire sans un État stratège et planificateur. [BRUIT] Troisième point, l'État doit être capable d'édicter et de faire appliquer des normes et des règlements. [BRUIT] Pour orienter massivement et rapidement l'économie vers la neutralité carbone, il est nécessaire de mettre en place de nouvelles règles du jeu économique, qui sont contraignantes, notamment pour les industries qui sont fortement dépendantes des fossiles. Par exemple une taxe sur les émissions de CO2, ou encore des normes interdisant la production et l'usage de produits fortement émetteurs dans le secteur des véhicules, du logement, etc. La mise au point de ces normes et leur mise en œuvre ne peut pas être confiée au secteur privé qui serait juge et partie. D'autre part, seul l'État est à même d'avoir une vision globale sur l'ensemble des industries et des territoires, des conséquences économiques de ce type de décisions. Enfin, la norme est un outil de Droit, et c'est l'État qui est garant du Droit. À ce titre, l'État doit non seulement édicter les lois, mais aussi avoir les ressources nécessaires pour surveiller qu'elles sont appliquées et pour poursuivre les contrevenants. [BRUIT] C'est bien évidemment ce qu'a montré la fraude récente de constructeurs automobiles en Europe. [BRUIT] Notre quatrième point, c'est qu'un État doit être capable de prélever des taxes et d'accorder des subventions. [BRUIT] Les besoins des États pour l'adaptation au changement climatique sont très importants. L'ONU les chiffre à 50 milliards de dollars par an pendant une quinzaine d'années, uniquement pour les pays les moins avancés. Il est évidemment très difficile de calculer ce coût prévisionnel, puisqu'on ne sait pas très précisément où et quand le changement climatique va frapper. Ce que l'on sait en revanche, c'est que plus tôt on agit pour faire face au problème, moins on dépensera d'argent. Par exemple en France, sur les zones littorales les plus exposées à la montée des eaux, les nouvelles constructions sont désormais interdites, il était temps, ce qui limitera les conséquences très coûteuses des submersions marines. Tout investissement dès aujourd'hui des États dans la prévention des risques permet d'économiser de l'argent dans le futur. Ces dépenses sont malheureusement trop souvent limitées, au Nord comme au Sud, par des arbitrages court-termistes ou des ressources fiscales trop faibles. Les capacités budgétaires de l'État sont aussi indispensables pour qu'il puisse accompagner la reconversion des secteurs fortement dépendants des énergies fossiles, qui devront se reconvertir. Dans les pays du Sud, où l'État est le principal producteur d'énergie à base de fossiles, il devra trouver de nouvelles recettes qui pourraient provenir pour partie de la baisse des subventions qui sont accordées. Enfin, l'État doit avoir les moyens de recueillir les données d'observation du changement climatique, de disposer de travaux de recherche publics et aussi d'inscrire les impératifs de la transition dans ses modèles de prévision économique. Tout ceci nécessite évidemment de disposer de ressources humaines et techniques. En conclusion, les politiques publiques sont centrales pour la mise en œuvre rapide et adéquate de la transition. Le secteur privé, important, ne peut être moteur dans ce processus, car il n'a pas pour première vocation l'intérêt général et il n'est pas légitime pour en fixer le cadre. Mais bien sûr, d'autres acteurs doivent aussi accompagner l'action de l'État, nous verrons lesquels lors de prochaines sessions. Merci pour votre attention. [BRUIT] [MUSIQUE]