Une fois que vous avez défini qui vont être vos clients et comment vous allez rentrer en contact avec eux, vous devez définir quelle va être la structure de revenu, c'est-à-dire quel est le type de prestation que vous allez proposer. Alors, dans leur ouvrage Business model, nouvelle génération, Alexander Osterwalder et Yves Pigneur définissent sept types de revenus, que nous allons détailler ensemble. Votre modèle économique va-t-il être basé sur la vente de votre produit, comme Plush and Play qui vend ses peluches ? Si vous offrez un service, il peut être plus pertinent de proposer un droit d'usage, c'est-à-dire plus le service est utilisé, plus le client paye. C'est le cas par exemple de Dialogue in the Dark qui vend l'expérience de manger dans le noir. La facture du client correspondra donc au nombre de repas consommés. Il peut être pertinent d'opter pour l'abonnement, qui correspond à la vente d'un accès en continu à un service. Par exemple, dans un espace de coworking, qui est un lieu de travail partagé, cet espace vend à ses membres un abonnement mensuel en échange de l'accès à ses bureaux. Votre modèle peut aussi être basé sur la location ou le prêt. Dans ce cas, vous vendez le droit d'utiliser temporairement un bien. Par exemple, plusieurs villes proposent des systèmes de location courte durée de vélos ou de voitures. On parle alors d'économie de la fonctionnalité, où le client achète l'usage d'un bien et plus sa propriété. Si votre projet est basé sur une technologie innovante ou un savoir-faire particulier dont vous avez la propriété, vous pouvez vendre ce qu'on appelle le droit de licence. Dans ce cas, votre client achète l'autorisation d'utiliser votre propriété intellectuelle protégée, qui peut passer par un brevet, des droits d'auteur, des royalties, des copyrights. On retrouve beaucoup ce type de modèle dans le secteur technologique ou dans les médias. Alors votre modèle peut aussi être basé sur des frais de courtage, c'est-à-dire une commission, comme peut le faire Babyloan qui prélève un mini-pourcentage sur chaque crédit accordé. Vous pouvez aussi opter pour ce qu'on appelle la publicité ou le sponsoring, comme a pu le faire Ticket for change. Cela fonctionne si votre client a un intérêt particulier à se faire connaître auprès de vos bénéficiaires et à travers la communication que vous ferez. Alors, à ces sept types de revenus, nous pouvons rajouter le mécénat et les subventions, qui sont des soutiens financiers accordés par un acteur privé ou un acteur public. Mais attention, je vous recommande vraiment de ne pas baser votre modèle économique sur le mécénat et les subventions, qui peuvent paraître les solutions les plus évidentes pour un projet. Écoutons le point de vue de Jean-Louis Kiehl, président de la fédération Crésus, dont la mission est d'accompagner les familles en situation de surendettement et ainsi leur permettre de sortir de l'exclusion financière et sociale qui en découle. "Il est très important pour une association… Nous sommes une association mission d'utilité publique, organisme de formation. On a cherché très tôt à ne pas dépendre des subventions et à nous ouvrir sur des nouveaux modèles de financement en offrant aux acteurs économiques une prestation. Ça peut être la formation par exemple de banquiers au droit du surendettement, ça peut être la recherche de cofinancement, voire même de financement exclusif émanant de grandes mutuelles, d'entreprises, de banques, ce qui nous donne une certaine autonomie. Il est très important pour une association de ne pas relever d'une seule source de financement parce que, tôt ou tard, cette source de financement va se tarir. Et cela vous rend servile, cela vous enlève la liberté de critiquer, même les pouvoirs publics. Il m'est arrivé pendant la campagne présidentielle d'intervenir auprès des deux candidats, parce qu'on est apolitique, et de les secouer, de leur dire que l'intérêt général postule une meilleure prévention du surendettement et un renforcement de l'éducation financière des jeunes et des moins jeunes, y compris du gouvernement d'ailleurs. Donc, la liberté d'un modèle économique, la force de frappe d'une institution, sa capacité de créer, parce que quand vous avez peu de moyens, quand il faut aller chercher des sous non pas auprès des pouvoirs publics mais auprès des acteurs économiques, on vous demande un retour sur investissement. Donc il s'agit… c'est un facteur, la source de financement, l'hybridation de la source de financement est un levier d'innovation, vous oblige sans arrêt à être impeccable dans l'exécution de votre mission, à aller plus loin, et à vous ouvrir. C'est très important également, s'ouvrir sur le monde économique et pas seulement tenter d'obtenir des subventions, ce qui me paraît insuffisant dans le monde qui bouge. " Vous l'aurez compris, l'enjeu de l'entrepreneuriat social, qu'on soit un entrepreneur ou un intrapreneur, qu'on soit une entreprise ou une association, consiste bien à trouver un modèle économique indépendant du mécénat et des subventions. Le mécénat et les subventions ne doivent pas être l'unique source de vos revenus, mais peuvent constituer des compléments, notamment au début de votre projet. Écoutons un nouveau témoignage, celui de Chantal Mainguené, fondatrice de Môm'artre. Alors, en quelques mots, Môm'artre crée et anime des lieux inédits d'accueil des enfants après l'école. Ces espaces favorisent l'épanouissement des enfants, notamment à travers l'art. Ce sont des lieux qui s'adaptent aux revenus et aux horaires de travail des familles, notamment en difficulté, tout en assurant une vraie mixité sociale. "Nos bénéficiaires sont les enfants âgés de 4 à 11 ans, donc fin d'école maternelle début primaire. Ils viennent chez nous après l'école, mercredi et vacances. Notre impact, ce qu'on recherche vraiment auprès d'eux, c'est de développer leur savoir-être. On ne travaille pas tant sur la technicité artistique que sur, à travers la pratique artistique, les années à développer la confiance en eux, leur autonomie, la créativité et le vivre ensemble. Voilà les quatre piliers fondateurs du projet Môm'artre. Nos clients maintenant. Qui achète notre service ? D'abord les familles, puisqu'elles viennent directement s'inscrire chez
nous. Elles ont un besoin, et on apporte une solution. Elles achètent notre service en fonction de leurs capacités financières. On peut dire que sur les parents on recherche aussi un impact, celui de baisser le stress, de leur donner accès à l'emploi, et de faire en sorte qu'ils sortent de l'isolement dans des quartiers où parfois chacun vit chez soi sans se rencontrer. Voilà les trois impacts recherchés. Ensuite, on peut parler des autres clients, ce que j'appellerai les clients indirects qui, à un moment, ne peuvent pas eux-mêmes faire ce service mais ont un intérêt à le proposer. J'entends par là les collectivités, notamment les villes, pour qui avoir un service comme le nôtre c'est important pour répondre à leurs habitants, mais aussi certaines fondations ou autres partenaires publics. " Pour trouver le bon type de revenus, je vous invite à sortir des sentiers battus, et surtout à aller interroger vos clients potentiels. C'est eux qui vous diront si vos hypothèses de revenus sont pertinentes et à quel prix ils sont prêts à acheter. Votre modèle peut être basé bien évidemment sur différents types de revenus, avec des prix variables selon le client. Mais attention, votre projet doit rester simple. Il doit y avoir une cohérence forte entre ce que le client achète et votre mission sociale. À présent, c'est à vous de jouer ! Vous pouvez compléter votre canevas en vous demandant : Pour quelles valeurs les clients sont-ils réellement disposés à payer ? Comment payent-ils et comment préfèrent-ils payer ? Ou encore, quelle est la contribution de chaque type de revenu au revenu global ? On se retrouve dans la vidéo suivante, dans laquelle nous commencerons à parler de l'impact.