[MUSIQUE] [MUSIQUE] Aujourd'hui nous sommes dans un zoo pour parler de frontières et de nature, donc dans un endroit où on a toute une série d'animaux, de barrières, de mises en scène de la nature. On a choisi de vous amener ici pour parler de la question de la frontière et de son lien avec la nature. Comment est-ce qu'on peut, en géographie, trouver des outils pour réfléchir à cette question? Donc finalement lorsqu'on pense souvent à la nature, on se dit que c'est un peu le contraire de la frontière. On a en tête cette image d'une nature sans frontières, on va se promener dans la nature pour échapper à quelque chose qui serait du monde du politique, mais finalement ce qu'on va essayer de vous faire voir dans ce module c'est que intrinsèquement, dans l'idée de nature, il y a l'idée de frontière. On ne peut pas penser à la nature sans penser à la frontière. Et donc d'essayer d'opposer une nature sauvage à un monde politique de la frontière n'est pas en fait pertinent et on va essayer au travers de cet endroit, de ce zoo de commencer à introduire cette question-là , d'essayer de réfléchir ensemble à l'idée d'un lien entre nature et frontière. L'objectif c'est donc de comprendre que la nature, tout comme d'autres objets sociaux, est un objet qui est construit, est un objet qui est politique, qui est construit par une série d'acteurs, par une série de lieux, par une série de dispositifs. Et d'essayer de comprendre ce qui sous-tend la mise en scène de la nature dans ces dispositifs qu'on va appeler des dispositifs spatiaux. Pour essayer de comprendre aussi que l'idée par exemple d'une frontière naturelle, qui est une idée qu'on retrouve à différents moments, dans différents discours, est également une idée qu'il va falloir compliquer, qu'il va falloir essayer de décortiquer pour essayer d'abandonner. Et donc on va avoir comme fil rouge, le fil barbelé, pour essayer de se dire que dans cet objet du fil barbelé, on a à la fois l'idée d'une division de l'espace, historiquement qui est apparue pour organiser les grands bétails en Amérique du Nord, on va y revenir, et ce fil barbelé va nous accompagner pour structurer ce module. Et donc on va parler de nature, mais aussi de paysages, on va parler de nature politique et de l'idée d'identité, on va parler de frontières, de nationalité, nationaliser la nature et on va finalement terminer sur le lieu de l'espace protégé, un endroit special où on définit, où on place la nature. Donc dans tout ce module, il s'agira de réfléchir à la question de la nature dans des lieux particuliers. Et donc ici, ce qui est intéressant dans le zoo, c'est qu'on a une mise en scène, une mise en scène de la nature, mais qui se fait sur l'idée de diviser. On crée des lieux spécifiques dans lesquels on met en scène une espèce, on met en scène aussi des paysages. Et donc derrière moi vous avez par exemple un parc avec des bouquetins, qui sont quelque part, qui ont aussi froid que moi, mais qui sont peut-être cachés, donc on a ici une espèce de mise en scène d'un paysage alpin. On place la nature à un endroit pour la faire voir, on va essayer de comprendre en quoi c'est quelque chose qui nous permet de réfléchir aussi à cette question de la nature définie par des limites. Et donc ce qu'on a dans le zoo ici, c'est le Bois-de-la-Bâtie, tout près du centre-ville de Genève, on a la mise en scène du monde, on a la mise en scène de la nature, on a des lieux concrets ici, on a créé une espèce de cascade qui rappelerait peut-être un paysage alpin et on a un lieu structuré autour de l'idée de limite. Et ce qui est intéressant ici c'est que finalement cette idée de limite elle est très fortement associée à la nature et dans les différents exemples qu'on va développer on va vous faire comprendre ce que on veut dire par ça. Et ça me parait intéressant de réfléchir aux zoos en tant que dispositif spatial. Alors qu'est-ce que ça serait un dispositif spatial? Mais ça serait finalement un ensemble de règlements, de normes, un lieu, toute une série de technologies comme le fil de fer, comme la barrière, comme toutes ces différentes choses qui servent à placer l'animal, à le contrôler en un certain lieu. Et donc tout ce système de règlements et de technologies matérialise à la fois le pouvoir, qui est le pouvoir de contrôler, la volonté humaine, mais d'inscrire également quelque chose dans un lieu précis, d'inscrire dans ce cas-ci la nature en un endroit, on la met en scène. Ce qui est intéressant avec ce dispositif spatial particulier du zoo c'est qu'il sert à faire l'expérience, on vient voir, on espère même toucher, on vient contempler la nature, contempler une certaine vision de la nature qu'on met en scène dans ce lieu-là . Et donc on a une architecture, on a toute une série de lieux qui servent à faire l'expérience de la nature. Et ce n'est pas pour rien qu'on s'y promène le week-end avec ses enfants, on va leur faire voir. Et qu'est-ce qu'on leur fait voir? On leur fait voir une certaine conception de la nature, une certaine manière de penser la nature dans des lieux précis. Et c'est en ça que ça intéresse la géographie, parce que la géographie s'intéresse vraiment à cette matérialisation de construction sociale dans des lieux particuliers. Et lorsque on se dit qu'on cristallise dans les lieux particuliers quelque chose, qu'est-ce qu'on y place? On y place notamment les catégories sociales et dans notre monde occidental dichotomique on fonctionne beaucoup par opposition. Donc une de ces oppositions fondamentales c'est l'opposition entre l'être humain et l'animal et dans ce cas-ci, une de ces catégories est figurée dans l'espace, d'un côté de la barrière, je suis en dehors. Et puis, de l'autre côté de la barrière, on a cette mise en scène de la catégorie de l'animal. L'animal est non seulement une catégorie très distincte de l'être humain mais également placé quelque part, il est quelque part caché dans cette cage et donc on va aller le chercher. Ce parc est intéressant parce qu'il y a peut-être aussi des endroits où quelque part on peut croiser aussi un paon, un canard, il y a une espèce de mise en scène de la faune, la limite à petit peu moins carrée. Mais donc cette catégorie humain-animal est une catégorie fondamentale. Une autre catégorie qu'on trouve mise en scène dans les zoos c'est la catégorie domestique-sauvage. Dans certains zoos, les animaux domestiques sont dans une partie distincte, c'est souvent les seuls animaux qu'on peut aller toucher. On peut aller voir les chèvres, on peut aller caresser la chèvre avec son enfant alors qu'on ne va évidemment pas aller caresser le lion. Donc d'une part, parce que évidemment on sent bien que mieux vaut ne pas caresser un lion, mais c'est également parce que en effet ces distinctions qu'on spatialise, donc une autre catégorie qu'on va spatialiser dans le zoo. Et ce qui est intéressant avec le zoo c'est donc c'est un discours sur la nature, c'est un objet qui a émergé historiquement, différemment, on le met en scène différemment maintenant qu'au XVIIIe siècle, mais ça permet finalement de comprendre, de mettre le doigt sur ces catégories, nature, culture, humain, animal, domestique, sauvage, exotique, indigène par exemple. Mais c'est également des espaces qu'on met en scène dans ce dispositif spatial, ici les Alpes, à d'autres endroits on va mettre en scène un paysage qu'on va faire croire que c'est l'Afrique par exemple. Et puis, donc également des paysages, on va créer un paysage pour donner à voir une certaine nature. Et donc c'est aussi un discours non seulement sur la nature, mais aussi un discours sur le monde puisque c'est des endroits qui ont évolué différemment, au XIXe siècle on le faisait d'une certaine manière, maintenant on fait le zoo différemment. Donc ça permet aussi de contempler le changement dans ces représentations de la nature, c'est des lieux qui sont en ça inscrits historiquement. Et c'est aussi des lieux où historiquement l'Europe a construit l'Ailleurs par exemple, l'Occident a pensé l'Ailleurs et on reverra dans une autre partie de ce module sur la question des zoos humains par exemple où on a à certaines époques montré des êtres humains dans les zoos. Et donc une mise en scène assumée, un regard sur le monde, un lieu qui inscrit un certain rapport à la nature. Et donc dans ce module, on va passer du zoo à d'autres objets comme les affiches politiques, des villages en Guinée Bissau avec des intervenants, on va parler de tableaux, de peinture, on va parler de panneaux touristiques et on va parler finalement d'espaces et de parcs naturels. Et donc cinq leçons pour penser l'inscription spatiale des catégories sociales dans l'espace autour de cette question de la nature, regarder des lieux pour penser cette naturalisation du politique et d'essayer surtout de dénaturaliser la nature. [MUSIQUE]