[MUSIQUE] [MUSIQUE] Laure de la Bretèche, je suis secrétaire générale du SGMAP, secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, qui est un service placé auprès du Premier ministre et qui a pour but d'accompagner la transformation des administrations. Transformer les services publics, pourquoi? On a aujourd'hui affaire à plusieurs attentes. Les attentes des citoyens qui sont dans l'exigence d'un service plus adapté, d'une meilleure qualité, qui efface les délais. Une autre raison qui est très forte pour nous, c'est que aujourd'hui, on a quand même un contexte de contrainte budgétaire qui oblige à réfléchir les moyens et la capacité d'action du service public dans une contrainte qui s'exerce sur tous. L'existence également, parce que c'est un point important et qui interroge le service public, de concurrence d'acteurs privés, qui peuvent parfois aussi brouiller un peu les lignes entre le service public et l'action privée, et qui demande donc en matière d'éducation, en matière de sécurité, de réfléchir en termes qualitatifs le service public. Et enfin, le contexte particulier de l'irruption du numérique dans le champ des services publics, qui oblige aussi à une très forte adaptation, qui est une opportunité pour penser l'innovation. Les défis qui se présentent aujourd'hui à l'administration et à ses décideurs en matière d'innovation viennent de plusieurs constats. Le premier, c'est qu'il arrive que le citoyen n'accepte pas ou ne s'approprie pas des décisions. On l'a vu dans des conditions assez dramatiques, sur les événements de Sivens, ou bien encore sur l'installation d'une extension aréoportuaire à Notre-Dame des Landes où l'état du droit et les réponses du droits ne suffisent pas à faire comprendre aux citoyens la trajectoire de projet public. Donc, la nécessité d'élaborer des systèmes de confiance et de travail avec le citoyen, qui sont finalement pris d'une autre manière, plus innovante. Le deuxième point, c'est que l'organisation des grands projets de l'administration, et parmi eux de l'Etat, en matière informatique par exemple, ont connu quelques déboires. Des grands projets informatiques pensés dans l'intérêt général comme Louvois ont pu connaître à un moment des échecs qui ont eu un vrai impact finalement sur la capacité d'action de l'administration. Le troisième motif pour lequel c'est important, c'est qu'il y a un certain nombre de dispositifs pensés dans l'intérêt général qui, en dépit des efforts de leurs promoteurs et des décideurs publics, n'atteignent pas leurs cibles. Donc, un constat d'inefficacité. Un exemple pour ça, le non-recours aux aides sociales. En dépit du fait que la France a un système généreux, il y a des gens qui ne savent pas qu'ils ont des droits. Et ça a un impact en termes de capacités à mobiliser des ressources de prévention. Donc, les défis sont assez nombreux comme vous le voyez à travers ces exemples. Et, ils demandent aujourd'hui de penser les projets d'une manière différente. Innover, c'est cela en fait, penser en renouvelant sa manière de faire, donc avec des projets qui doivent être plus agiles, qui arrivent à penser des calendriers, des ressources assez différemment, des projets qui vont être pensés de manière innovante en termes de participation. participation des parties prenantes, participation des citoyens, avec une capacité nouvelle à aller chercher leurs contributions. Et enfin, une réflexion sur les usages, et non plus simplement sur les dispositifs. Autrement dit, de quelle manière le citoyen et ceux pour lesquels on a pensé des réponses de droit et de service vont comprendre ce qui est fait pour eux et vont savoir s'en emparer. Donc, la question des usages aide finalement à construire différemment le service public. Créer une dynamique d'innovation parmi ses collaborateurs dans la sphère publique, c'est un peu plus difficile que de créer un service ou une petite équipe qu'on appelle service de l'innovation, et qui est en charge de résoudre les problèmes que l'on se traîne depuis des années. Ce qui est délicat en l'espèce, c'est qu'il faut infuser dans l'ensemble de son institution, de l'institution publique, une culture différente, qui soit une culture d'innovation. Alors, rien d'impossible à cela, même si ça va demander un investissement à la fois en temps et en temps de chacun, mais en temps dans la durée aussi, de persévérance pour arriver effectivement à infuser cette nouvelle culture. Comment le faire? Il y a certainement un grand enjeu qui se noue autour du management des équipes. On sent qu'il faut aujourd'hui sensibiliser et former les agents publics de tout niveau, mais aussi les cadres, à la capacité d'aller chercher l'innovation, de penser l'innovation, de se décaler et donc d'ouvrir un peu davantage la capacité de chacun à intervenir dans un processus d'innovation. On a ainsi un moment dédié qui s'appelle la semaine de l'innovation tous les ans, en novembre, qui nous permet d'apporter aux agents publics des occasions de rencontre, mais aussi des occasions d'apprendre des autres des méthodes et des expériences innovantes. La deuxième chose, c'est que très certainement pour les managers et les décideurs du public, se pose une question qui est l'apport de compétences. Il faut diversifier les profils qui interviennent dans nos institutions pour qu'ils soient en capacité, par leurs échanges entre eux, de créer finalement des occasions et des opportunités d'innovation. La troisième chose qui est un défi pour les managers, c'est de valoriser finalement la prise d'initiative des agents. Ça peut se faire dans toutes les institutions publiques, et on le voit émerger à travers la création de prix ou de moments dédiés, mais ça suppose tout de même de le penser dans son système d'action. Enfin, il faut susciter aussi l'innovation en faisant appel à tout un processus de décision qui va installer finalement l'innovation créée dans les us et coutumes et les pratiques de l'institution. Ne pas simplement en faire un moment qu'on laisse à l'écart tout le reste de l'année. Et puis, autre élément vraiment important sans lequel ça na se fait pas, c'est l'accompagnement des innovateurs. Il y a aujourd'hui une prise de conscience très forte que le moment de l'innovation qui a mobilisé de la ressource pour convaincre doit être suivi d'un moment de mise en oeuvre et d'accompagnement de ceux qui vont mettre en oeuvre, y compris en leur donnant du temps pour cela. Alors effectivement, le SGMAP accompagne les administrations de manière assez soutenue depuis des années. L'événement que nous organisons maintenant depuis trois ans est devenu vraiment un rendez-vous de toutes les fonctions publiques d'Etat, territoriales et hospitalières pour valoriser ce qui se fait chez eux et prendre de bonnes idées. On souhaite vivement que ce moment soit pérennisé, puisqu'il est très attendu des administrations maintenant. On a aussi un rôle avec nos équipes innovation de soutien aux administrations. Autrement dit, leur proposer finalement un certain nombre de méthodes qui peuvent être appuyées sur le numérique, mais également sur le design de service, sur la manière d'écouter l'usager différemment, et qui leur permettent d'infuser dans leurs projets et leurs idées de transformation, des méthodes dont ils n'auraient pas forcément chez eux les compétences. Ça peut se faire aussi avec un appui finalement assez financier. Et pour ça, on a eu l'opportunité de mobiliser le programme d'investissements d'avenir en créant en territoires des laboratoires d'innovation par appels à projets. Et maintenant que l'appel à projets est arrivé à son terme et que nous avons des lauréats, nous allons soutenir leurs démarches dans les régions en question pour que ces laboratoires s'installent et trouvent vraiment toute leur place sur leur territoire. Et enfin, il y a des choses qu'on expérimente nous-mêmes au SGMAP avant de voir si ça peut être des solutions utiles et efficaces. Notamment, nous avons créé des ateliers citoyens qui sont une forme de débat public, mais à petite échelle sur des questions pour lesquelles le politique n'a pas encore pensé des réponses par le droit, mais s'interroge. Nous l'avons fait par exemple sur les données de santé, en faisant appel à un panel de citoyens qui a été accompagné, à la fois par des MOOC en virtuel, mais aussi en présenciel pendant deux week-ends avec des échanges avec des experts pour arriver à l'élaboration d'un avis qui était vraiment porté par eux et qui vient contribuer directement au débat public qui a été remis à la ministre de la santé. Donc, voilà des choses par lesquelles à la fois par un accompagnement sur leurs projets, mais aussi en proposition de méthodes et de lieux nouveaux pour agir, nous essayons de contribuer à l'innovation au sein de l'administration. On a un travail d'appui aux administrations, mais elles ont elles-mêmes des idées très riches qui permettent finalement de partager avec les autres des expériences qui marchent. Un bon exemple de cela, c'est tout le travail qui a été fait par la DGFIP, la direction générale aux finances publiques, qui finalement à travers son portail, impots.gouv, s'est posée beaucoup de questions sur la place du citoyen, la relation de service avec le citoyen, a finalement créé un service qui y était dédié, et après la création de ce portail et la possibilité de faire sa déclaration en ligne, a eu recours à certaines des méthodes que nous avons ici, notamment le Nudge, qui repose sur l'idée que on peut aussi amener le citoyen à évoluer dans ses pratiques en observant finement ses comportements pour essayer de lever les freins à la déclaration en ligne, puisque la DGFIP constatait qu'elle n'arrivait pas à dépasser un certain plafond de 40 % de déclarants, alors que le taux de satisfaction était extrêmement élevé. Parfois, ce sont des choses très simples qui permettent de débloquer finalement, mais par de vraies innovations dans la démarche, l'accès meilleur à un service public. Au niveau territorial, les 12 laboratoires d'innovation vont certainement être des lieux intéressants parce que étant au plus près finalement du terrain, et ça c'est une dimension très importante, l'innovation, elle est portée par les agents eux-mêmes dans leur espace de vie, et c'est là où est le contact avec l'usager que finalement on arrive aux innovations les plus riches. Et j'en voudrais citer une troisième qui est l'élaboration d'un écosystème véritablement de l'innovation qui a été réalisé par le conseil départemental du Val d'Oise et qui me paraît assez performant, au sens où sur plusieurs années, ça a été installé en démarrant par une innovation qui était portée sur les maisons départementales pour les personnes handicapées, on a gagné progressivement en maturité en créant des dispositifs de formation, donc en ayant une espèce de spirale positive qui permet d'installer l'innovation, et je pense que cela, c'est un modèle qu'on va voir se généraliser progressivement dans les années à venir. Autre exemple d'innovation, ou plus exactement de terrain fertilisant, nous avons depuis maintenant un peu plus d'un an adhéré au partenariat pour un gouvernement ouvert qui est une initiative internationale qui a été lancée par le président Barack Obama, et qui réunit 70 pays, un peu plus maintenant, puisqu'il y a eu des adhésions nouvelles très récentes, et qui associe à la fois la société civile et les Etats pour trouver les moyens d'associer davantage les citoyens en contribution au service de leur pays. On a tous les sujets possibles, mais tous structurés autour de l'idée que plus de transparence facilite à la fois une meilleure démocratie et une meilleure compréhension des enjeux de politique publique. Et ça produit des actions très concrètes. On vient de tenir le sommet mondial pendant trois jours à Paris, les 7, 8 et 9 décembre derniers, avec plus de 3 000 participants, trois jours de débats, et trois jours de création aussi de nouveaux produits ou d'actions collectives qui pourront se déployer dans ces pays. Donc, l'innovation, elle est vraiment partout. [MUSIQUE]