J’ai parlé de la complexité de l’individu. J’en viens à la complexité sociale, de la société, mais je dois passer, d’abord, par considérer un aspect de l’être humain en tant qu’individu, qu’on peut appeler, le sujet. Vous savez, le sujet, consiste à dire je, hein. Et qu’est-ce que ça veut dire, je? Ça veut dire, je m’affirme, et, je m’affirme et je me mets au centre de mon monde. Et, quand vous dites je, c’est-à-dire que, vous êtes d’une certaine façon très logique, égocentriques. Moi au centre du monde. Et cet égocentrisme est tout à fait vital parce que j’ai besoin de me nourrir, j’ai besoin de me protéger, j’ai besoin de me défendre, j’ai besoin de satisfaire mes désirs. Bon. Donc, si vous voulez, sans égocentrisme, sans le je, sans ce qu’on appelle cette subjectivité, on ne pourrait pas vivre longtemps. Mais, c’est comme un logiciel, mais dès que nous naissons, va commencer à se manifester l’œuvre d’un deuxième logiciel, qui est apparemment contradictoire, et qui est celui du nous, ou du tu. Alors, l’enfant qui naît, de quoi a-t-il besoin? Qu’on le berce, qu’on lui sourit, qu’on lui fasse guiliguili, qu’on l’amuse, qu’on le regarde, qu’on le dorlote. Nous avons besoin de la mère, du père, des parents, des frères, des sœurs. Et, l’être humain, ça a besoin à la fois, de l’affirmation et de l’épanouissement personnels, et de l’épanouissement au sein d’une communauté. Une communauté, c’est partout où on peut dire, nous. Et la communauté, c’est évidemment, la famille. Ça peut être aussi les copains de lycée, les amis, ça peut être le parti, ça peut être la religion, ça peut être la Patrie. Nous allons y venir. Alors, donc, à partir de ces deux logiciels, nous pouvons comprendre aussi bien les deux aspects de la réalité sociale. Qu’est-ce que c’est qu’une société? Une société, elle est aussi elle-même bipolarisée. D’un côté, vous avez les, les rapports d’intérêt, les conflits, les concurrences, les égoïsmes. Et d’un autre côté, vous avez le sentiment d’appartenance, à votre nation, par exemple. Et ce sentiment d’appartenance à votre nation, il prend un aspect du nous, par exemple, dès que votre nation est attaquée par un ennemi. Ou bien, il va prendre l’aspect du nous dès que vous avez, votre nation a gagné un championnat du monde en football ou en rugby. Donc, ou bien vous avez le sentiment quand vous voyez un compatriote dans un désert africain, et que vous vous rendez compte que la, sa voiture a la même immatriculation que la vôtre. Bref, si vous voulez, on oscille entre le nous et les rapports d’intérêts. Et ces rapports d’intérêts, je dirais, qui peuvent être très souvent égoïstes, prédominent dans la vie naturelle, dans la vie normale. Et, dans nos sociétés modernes, où évidemment l’individualisme qui s’est développé, est beaucoup, n'est pas seulement un individualisme d’autonomie et de responsabilité, mais aussi un individualisme d’égoïsme, et dans un monde où les anciennes solidarités se sont dégradées, ont disparu. Donc, voici la, la complexité, sociale. Elle est communauté d’un côté, société de l’autre. Et alors, une nation, comme la France. C’est une nation, elle est, elle peut se définir comme Patrie, qui est un mot très intéressant. Pourquoi? Parce que Patrie, c’est un mot bisexuel. Il commence en pater, père, et il termine en féminin. Et du reste, nous disons la mère Patrie. Nous avons ce sens d’une mère qui aime ses enfants, et que ses enfants doivent aimer. Allons enfants de la Patrie. Mais, le pater, c’est l’autorité juste, qui se prétend juste, de l’état, de l’autorité, de la nation. Et c’est, à cause de ce, de cette notion de Patrie, permet de consolider, d’entretenir notre sentiment d’appartenir, pas seulement à une société où il y a des intérêts multiples, mais à une communauté qui tantôt est plus société, et tantôt est plus communauté. Donc, la société humaine, elle-même elle est très, très évolutive. Il y a eu des sociétés préhistoriques de chasseurs ramasseurs, et une époque où en cinq points du globe, il se sont créées des sociétés qu’on peut appeler historiques, avec villes, avec états, avec agriculture, avec religion, avec esclavage, avec guerre, et cetera. Ce qu’on appelle les sociétés historiques de l’antiquité jusqu’à maintenant. Et on se rend compte que ces sociétés historiques sont, ont eu des moments extrêmement brillants, par leurs arts, leur philosophie, et des moments terribles, aussi, par leur destruction, par leurs conquêtes. Et puis elles se sont toutes effondrées. Et même les grands empires des temps modernes se sont effondrés, comme l’empire ottoman, l’empire soviétique et l’empire austro-hongrois. Et, là-dessus, ce sont les nations qui se sont développées. Mais, vous avez aussi un phénomène très intéressant, c’est qu’à partir, disons, au moins de la fin du Moyen-Âge, vous avez des nations qui évoluent, et elles évoluent, comment elles se transforment? L’Europe est passée d’une Europe féodale médiévale, à une Europe moderne. Et dans cette transition, il y a eu des processus très heurtés, il y a eu des processus de destruction d’un monde féodal au profit d’un monde bourgeois, d’un monde économique, d’un monde urbain. Et, au cours de tous ces, de tous ces processus, une partie de notre civilisation meurt et une autre partie de civilisation renaît. Et toute l’évolution historique est un processus où tout progrès, par exemple de l’industrie, se paye par quelque chose de régressif, c’est-à-dire la déportation des paysans qui, sont chassés de leurs terres et vont aller travailler en ville. Ça s’est passé en Angleterre, en France au XIXe siècle, ça se passe maintenant en Chine et dans les pays africains. Donc, nous sommes dans des sociétés en évolution permanente et qui posent des problèmes permanents. Donc, voici, aujourd’hui, la réalité sociale qui elle-même comporte un horizon dont on pourrait parler dans une prochaine séance, qui est la, la mondialisation. Voici, donc, la complexité sociale, c’est que l’évolution, c’est toujours une désorganisation suivie de réorganisation, ou provoquée par une réorganisation.