Nous sommes habitués à penser de façon binaire, par oui ou par non ; est-il bon? est-il méchant? Pas il est bon ou il est méchant, mais il est bon et méchant, nous n’aimons pas ça. Et donc, dans cette habitude, nous ne savons pas dire oui et oui par exemple, et je vais vous donner, et donc si vous voulez il y a des paradoxes ; des paradoxes apparents et c’est ça qui rend difficile justement aussi d’entrer dans la complexité des problèmes. Je prends la notion de système. Qu’est ce que c’est qu’un système? Un système, c’est un ensemble d’éléments de nature différente, de composants de nature différente, qui sont organisés en un tout. Bon. Or, nous savons depuis longtemps que le tout est autre chose ou plus que la somme des parties. Nous le savons, par exemple, nous savons que l’eau, qui est l’union de H2O, deux atomes d’hydrogènes et un atome d’oxygène, a des qualités liquides que n’ont ni l’hydrogène, ni l’oxygène à ces températures où elle est aqueuse. Mais, prenons un exemple encore plus frappant. Nous savons aujourd’hui que l’être vivant, à commencer par les premières bactéries, les premières unicellulaires, jusqu’à nous-mêmes, il est constitué de quoi? D’éléments physico-chimiques que l’on trouve dans la nature, de protéines, d’acides aminés. Donc, il est fait d’éléments physico-chimiques. Or, l’organisation qui est très complexe de l’être vivant, qui est une organisation qui combine tous ces éléments produit des qualités qui n’existent pas dans les molécules. Quelles sont les qualités? Eh bien, c’est un être capable de se reproduire, c’est un être capable de se réparer. Moi-même qui ne suis pas un caméléon, parce que le caméléon peut reconstituer sa queue coupée, mais je peux si je me blesse la main, cicatriser, reconstituer ma peau. Je peux pas reconstituer, me réparer beaucoup, mais je peux réparer un peu. Bon. L’être vivant est capable de cognition, c’est-à-dire de connaissance, c’est-à-dire de chercher sa nourriture, de fuir son ennemi. Il est capable, donc, de se mouvoir, d’être, enfin pas de se mouvoir puisque les plantes ne bougent pas, mais il est capable en quelque sorte, il a des qualités, qui ne sont pas dans la matière physique et chimique isolée. Ces qualités, on les appelle des émergences parce qu’elles émergent avec l’organisation du tout. Ainsi, pour prendre l’être vivant, nous nous avons des qualités que n’ont pas nos constituants physico-chimiques et ne serait-ce que la conscience, l’esprit, le langage et cetera. Donc, le tout est plus que la somme des parties, ce qui est un apparent paradoxe. Mais je vais ajouter le paradoxe en vous disant que le tout est moins que la somme des parties. Dans quel sens? Dans le sens où l’organisation du tout peut inhiber ou interdire certaines des qualités qui sont propres aux parties. Je prends par exemple, nous sommes des êtres sociaux, nous sommes donc une partie, dans le tout qui est la société. Eh bien, nous avons des pulsions qui peuvent être délinquantes, qui peuvent être illégales, mais nous n’osons pas les réaliser parce que effectivement, nous avons peur de la police ou au contraire, nous avons une moralité qui nous empêche de commettre ces actes délictueux. On peut même dire que, nous pouvons avoir des aspirations à la liberté que la société réprime. Nous pouvons avoir des aspirations créatrices que la société ne reconnait pas. Donc, si vous voulez, il y a, par exemple, l’individu, avec sa conscience, a des qualités qui ne peuvent pas s’exprimer à cause des contraintes sociales. Donc, le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties. C’est ça qui est la complexité du système. Et j’ajoute que en ce qui concerne, disons le système vivant, ou même le système social, non seulement la partie est dans le tout, mais le tout est à l’intérieur de chaque partie. Comment ça? Eh bien, la totalité de mon patrimoine génétique se trouve dans chaque cellule de mon organisme, y compris dans les cellules de ma peau. Il y a tout l’ADN, tout mon programme génétique. Seulement, évidemment, dans ma peau, il n’y a qu’une toute petite partie qui est exprimée, l’autre partie, elle est inhibée ; de même pour le foie, de même pour la rate, de même pour le cerveau. Mais, non seulement la partie est dans le tout, mais dans le tout est dans la partie. Et nous-mêmes dans une société, on peut dire que le tout est en nous, le tout : sa culture, son langage, sa littérature, ses mœurs, nous avons ça, que nous apprenons dès notre naissance et que nous continuons à apprendre à l’école. Et même on dit, nul n’est censé ignorer la loi, ce qui est un abus parce que nous pouvons ne pas connaître les lois, mais ça veut dire que normalement le tout doit être, devrait être en chacun d’entre nous. Donc voilà, une de ces complexités qu’on tend à ignorer, évidemment, quand on a la vision simplifiée des choses.