Alors est-ce que nous pouvons définir ce que c'est qu'une connaissance complexe? C'est, tout d'abord, et peut-être fondamentalement, une connaissance qui relie des éléments, que jusqu'à présent nous ne sommes pas capables de relier. Des éléments qui sont séparés, et donc, si vous voulez, alors vous me dites, c'est une connaissance globale? Dans un sens elle est globale mais ce qui l'intéresse c'est pas seulement le tout, c'est le rapport entre le tout et les parties. Parce qu'il y a une tendance, intellectuelle, qui est pour le holisme, h o l i s m e, en disant la connaissance du tout. Mais si vous avez une connaissance du tout sans connaître les relations avec des parties c'est une connaissance vide. Prenez le cas de la mondialisation. Il est évident que vous avez des interactions entre ce qui se passe dans une partie comme par exemple il y a eu l'attentat contre les deux tours de New York en 2001 qui a eu des répercussions sur le tout, et que le tout lui-même, à la suite de quoi a fait prendre des précautions notamment dans le transport aérien dans tous les pays du monde. Donc, si vous voulez, c'est une connaissance, la complexité d'une connaissance globale qui relie les parties au tout et qui voit toutes les interactions possibles entre les unes et les autres. Est-ce pour autant dire que c'est une connaissance totale? Non. Pourquoi? Alors, parce que la connaissance totale est absolument impossible, non seulement la connaissance de tous les éléments, de toutes les informations qu'on pourrait tirer de l'univers mais aussi de toutes les interactions et toutes les rétroactions. Avoir une connaissance totale de ce qui se passe dans mon cerveau où des milliards de neurones interagissent les uns avec les autres c'est impossible. D'ailleurs je ne sais plus quel scientifique avait dit la seule façon de connaître tout ce qui se passe dans un chien c'est de le tuer, mais une fois que vous l'avez tué vous ne pouvez plus rien savoir puisqu'il cesse de vivre. Donc, la connaissance totale est impossible, la connaissance de l'univers totale est impossible d'autant plus que cet univers évolue sans cesse. La connaissance du tout additionnellement est impossible. Donc, vous avez toujours une part d'incertitude qu'il faut introduire dans la connaissance. La connaissance complexe et bien elle trouve le problème de l'incertitude. Elle trouve ce problème de l'incertitude inscrit dans tout ce qu'est l'univers. Même, avec la théorie du chaos, qui est aujourd'hui une théorie en vigueur dans le monde scientifique, nous savons que des phénomènes qui sont déterministes au départ, comme par exemple le mouvement de la Terre autour du Soleil, eh bien à cause des influences et des interactions entre les planètes ce mouvement n'est pas le même il y a plusieurs centaines de millions d'années et cette vitesse de rotation de la Terre ne sera plus la même dans plusieurs centaines de millions d'années puis après bah écoutez, le Soleil mourra et la Terre aussi. Donc, ce n'est pas une connaissance totale au contraire ça nous dit la totalité, c'est la non-vérité comme disait iii. Nous savons nous avons une connaissance lacunaire mais il faut faire avec, il faut essayer de faire le mieux possible. Alors donc, je dirais cette maxime : la connaissance complexe c'est surtout l'ennemie des vérités partielles. Parce que vérité partielle signifie vérité partiale, vérité partiale signifie erreur globale. Alors, quels sont les principes de cette connaissance complexe? Et bien, il y en a un que je vous ai déjà fait connaitre sans vous donnez le nom que j'utilise. C'est la dialogique. La dialogique ça veut dire une relation à la fois complémentaire et antagoniste entre des notions qui vont désigner tel système, tel phénomène, tel évènement, telle chose. Il faut utiliser cette relation comme je l'ai fait. Ça signifie quoi? Ça signifie que l'ennemi de la complexité c'est ce qui sépare, c'est ce qui compartimente, c'est la disjonction. Cette opération logique qu'on appelle la disjonction, je disjoins. Le principe de la pensée complexe c'est, ou de la connaissance complexe, c'est je relie. Non pas je disjoins, je relie, c'est le contraire de ce qui se passe, de ce que malheureusement on ne fait que nous enseigner. Et l'autre ennemi c'est la réduction. Vous croyez pouvoir réduire un tout à ces éléments, non. Selon le principe de l'émergence, vous ne pouvez pas comprendre un tout à partir des éléments qui le constituent puisque le tout a beaucoup plus de qualités que les parties bien que en même temps il en ellipse des parties. Donc réduire, et vous savez, réduire même une personne à un de ses traits, il est bon, il est méchant ou même il est criminel ; puisque c'est le philosophe Hegel qui disait si j'appelle criminelle une personne qui a fait un crime dans sa vie j'élimine tous les autres aspects de sa personnalité, de sa conduite qui ne sont pas criminels. Donc là aussi ne réduisons pas, ne réduisons pas, et c'est une voix de la vie quotidienne, ne réduisons pas autrui à un trait simplifié, même un trait qui soit uniquement bon mais surtout un trait mauvais comme nous avons tendance à le faire. Ne réduisons pas des phénomènes complexes à des éléments simples, ça nous fait nous tromper ça nous fait nous illusionner. Donc, si vous voulez, le caractère, donc, de cette connaissance complexe c'est de lutter contre la disjonction et la réduction. Alors qu'est-ce qu'on oppose? Et c'est ça que j'appelle le paradigme. Qu'est-ce que c'est qu'un paradigme? Un paradigme c'est un principe d'explication qui permet de contrôler les connaissances en lui disant comment les organiser. Par exemple le paradigme donc de simplification, de disjonction qu'est-ce qu'il nous dit? Séparez, réduisez et si vous lui obéissez vous arrivez à une connaissance mutilée. Un paradigme de complexité si il s'était enraciné dans notre éducation et dans notre mode de pensée, qu'est-ce qu'il nous dirait? Relier, relier mais sachez distinguer, tout n'est pas la nuit où toutes les vaches sont noires, il faut savoir distinguer. C'est ça, à mon avis, vers quoi on tend, c'est ça qu'il faut enraciner dans nos esprits; et c'est pas facile et c'est pour ça que, moi je pense, qu'il faut une réforme profonde dans notre système éducatif pour pouvoir, en quelque sorte, nous rendre capable de d'être plus lucide. Alors donc le principe de dialogique, je vous l'ai dit, complémentarité de notions antagonistes. Il y a le deuxième principe je vous l'ai dit aussi, je n'ai pas donné son nom, en vous disant non seulement une partie est dans le tout mais le tout est aussi dans la partie. C'est le principe que j'appelle hologrammatique, à la façon d'un hologramme où chaque point de l'hologramme contient la presque totalité de l'image qui représente. Et enfin le troisième principe est fondé sur l'abandon de la causalité linéaire, cause effet, pour arriver à une causalité en boucle avec deux éléments. Le premier étant la rétroaction qui élimine les déviances et assure la stabilité et le deuxième étant ce que j'appelle la récursion c'est-à-dire un processus où les effets et les produits sont nécessaires à leur production et à leur causation. Par exemple, moi je suis le produit d'un système de reproduction génétique de l'espèce humaine mais pour que ce processus continue il faut que je m'accouple avec quelqu'un de l'autre sexe pour faire des enfants. Donc je suis un produit producteur. Nous autres individus dans la société nous sommes bien sûr les produits de la culture, mais si il n'y avait pas les individus qui interagissent sans arrêt, il n'y aurait pas non plus d'individu d'une société. Donc voici quels sont les principes fondamentaux de la connaissance complexe.