[MUSIQUE] Ce nouveau chapitre va être consacré au problème de la mesure en physique quantique, plus précisément à la description d'une mesure individuelle et à ce que l'on appelle le postulat de réduction du paquet d'onde. Nous pourrions bien sûr énoncer d'emblée ce postulat et commencer à l'utiliser sur des cas concrets, mais il nous a semblé plus pertinent de motiver d'abord les différents éléments de ce postulat en réfléchissant aux contraintes que l'on peut raisonnablement imposer à une opération de mesure, quelle qu'elle soit. Pour cela, dans la première partie de ce chapitre, nous allons partir d'une particule, préparée dans une fonction d'onde donnée psi(x) et nous allons nous intéresser à une seule mesure d'une quantité physique A sur cette particule. Les questions que nous allons aborder sont les suivantes : première question, quels résultats peut-on trouver dans cette mesure? Deuxième question, nous savons depuis notre analyse des mesures de position d'impulsion que les résultats de mesures en mécanique quantique ont un caractère aléatoire ; si plusieurs résultats a1, a2 etc sont possibles nous allons donc chercher à connaître les probabilités p1, p2 pour les voir apparaître. Et la troisième question porte sur la fonction d'onde de la particule à un instant immédiatement après la mesure. Supposons que l'on ait trouvé le résultat a1 : quelle est la fonction d'onde à cet instant? Est-ce encore la même que la fonction psi(x) avant la mesure ou est-elle différente? La réponse à ces trois questions va constituer la base du postulat de mesure en physique quantique. Ce postulat viendra renforcer la version faible que nous avons vu au chapitre précédent. Pour motiver cette forme forte de ce que nous avons appelé le principe 3, nous allons tout d'abord analyser le lien entre résultat de mesure et valeur propre d'opérateur. Je vous rappelle tout d'abord la version faible du principe de mesure que nous avons vue au chapitre précédent. À toute grande physique A, on associe un opérateur linéaire hermitien Â. La grandeur physique en question peut être l'énergie de la particule, son impulsion, son moment cinétique ou toute autre grandeur que l'on jugera utile pour décrire un problème donné. Considérons un ensemble de particules de fonction d'onde psi(x). Effectuons sur chaque particule, la mesure de A. Alors, la moyenne des résultats trouvés est donnée par l'intégrale de psi*(x) fois la fonction trouvée en faisant agir l'opérateur  sur psi. Cette intégrale s'écrit également de manière compacte, comme le produit scalaire de psi avec la fonction Â(psi). Il est important de bien préciser la procédure expérimentale sous-jacente pour tirer partie de ce résultat. Tout d'abord, on sait que la mesure de la quantité physique A peut donner un résultat qui varie d'une particule à l'autre : on peut trouver a1, a2, aj, etc. La moyenne <a> peut donc être comprise au sens suivant : on prépare un grand nombre N de particules, toutes dans la fonction d'onde psi(x). Sur chaque particule, on effectue une et une seule mesure de A. On obtient, pour chaque particule, un résultat qui est un des nombres a1, a2, aj. On moyenne les N résultats obtenus, et on trouve alors, aux erreurs statistiques près, la moyenne <a> annoncée. Pour illustrer notre point nous avons représenté sur cet histogramme un exemple de résultat pour une observable A qui conduirait à 4 résultats possibles : a1, a2, a3, a4. La procédure à suivre, consiste à compter combien de fois chacun des 4 résultats de mesure est apparu, et faire la moyenne correspondante. La relation centrale que nous venons de mentionner, <a> égal produit scalaire de psi par Â(psi), décrit donc la moyenne d'ensemble des résultats de mesure. La question que nous voulons maintenant aborder porte sur la valeur de chaque résultat aj des mesures individuelles effectuées sur chacune des N particules. La réponse que nous allons apporter est la suivante : les seuls résultats possibles pour une mesure individuelle sont les valeurs propres de Â. L'outil essentiel pour montrer le résultat que nous venons d'annoncer sera le théorème spectral, que nous rappelons ici. On peut former une base de l'espace des fonctions d'onde avec les fonctions propres de Â, notées ici psi alpha(x), et associées aux valeurs propres a(alpha). Dans la suite de ce cours, pour éviter certains problèmes dus à la dimension infinie de l'espace des fonctions d'onde, nous nous limiterons au cas où le spectre, c'est-à -dire l'ensemble des valeurs propres a(alpha), est discret. C'est par exemple le cas de l'opérateur énergie, pour une particule dans un puits infini que nous avons étudié au cours précédent. Nous avons vu que les valeurs propres a(alpha) de cet opérateur sont repérés par un nombre entier n et sont de la forme n² fois E1. Pour commencer notre raisonnement, intéressons-nous à un cas particulier de fonctions d'onde psi(x), celles qui garantissent que le résultat est certain. Ceci signifie que toutes les mesures faites sur les N particules donnent le même résultat. Si nous reprenons notre histogramme à 4 valeurs possibles, nous nous plaçons donc dans le cas où la fonction d'onde psi(x) conduit à une seule des 4 éventualités. Le résultat a3, sur notre dessin. Le caractère certain des résultats se transcrit mathématiquement en imposant une variance nulle des résultats de mesure. En d'autres termes, la valeur moyenne du carré des résultats de mesure est égale au carré de la valeur moyenne. Nous allons maintenant montrer que cette situation correspondant à un résultat certain se produit si et seulement si la fonction d'onde psi(x) est une fonction propre de l'opérateur  associée à la mesure. Puisque nous énonçons ici une équivalence entre deux propositions, résultat certain et psi fonction propre, il nous faut démontrer les deux sens logiques de cette équivalence. Commençons par montrer le sens direct. Si la fonction d'onde psi(x) est fonction propre de Â, alors le résultat est certain. Choisissons donc la fonction psi(x) égale à une fonction propre psi alpha(x) de  associée à la valeur propre a(alpha). Calculons la moyenne des résultats et la moyenne des carrés de ces résultats. La moyenne des résultats est donnée par le produit scalaire de psi avec Â(psi). Comme psi est supposée fonction propre de  et également choisie de norme 1 ce produit scalaire est simplement égal à la valeur propre a(alpha). Passons à la moyenne des carrés des résultats. L'application du principe de correspondance nous dit que l'opérateur associé à ce carré est simplement ². Et si psi est fonction propre de  elle est également fonction propre de ², avec la valeur propre a(alpha)². La moyenne du carré des résultats vaut donc a(alpha)². On déduit de ces deux résultats que la moyenne du carré des résultats est égale au carré de la valeur moyenne ce qui veut dire que la variance est nulle, et donc que le résultat est certain. Nous avons donc démontré le sens direct de l'équivalence. Passons au sens réciproque : on suppose que le résultat de la mesure de A est certain, pour un certain choix de psi(x), et on veut montrer que ce psi(x) est nécessairement fonction propre de Â. Nous faisons donc l'hypothèse que toutes les mesures donnent le même résultat, un nombre réel a0. La variance des résultats est nulle, ce qui encore une fois signifie que la moyenne des résultats est égale à zéro et que la moyenne des carrés est égale à a0². Considérons alors la fonction auxiliaire phi(x) égale  psi(x) moins a0psi(x) et calculons le carré de sa norme, c'est-à -dire le produit scalaire de cette fonction par elle-même. Puisque phi(x) est formée par la différence de deux termes, le produit scalaire va contenir 4 termes. Le premier est le produit scalaire de Â(psi) avec lui-même. Le deuxième et le troisième terme font intervenir le produit scalaire de psi et Â(psi) et le dernier terme fait intervenir le carré de la norme de psi. Intéressons-nous d'abord au premier terme : le produit scalaire de Â(psi) avec lui-même. En utilisant le fait que  est hermitien, ce terme est égal au produit scalaire de psi avec ²psi. Ceci n'est rien d'autre que la moyenne du carré de nos résultats donc a0². Les deuxième et troisième termes quant à eux nous redonnent la moyenne des résultats de mesure a0. Et le dernier terme fait intervenir le carré de la norme de psi, qui est égale à 1. Au final, on trouve que le carré de la norme de la fonction auxiliaire phi est nul ce qui veut dire que cette fonction auxiliaire est elle-même nulle, ou encore que  agissant sur psi(x) est égale à a0psi(x). Ceci prouve que si le résultat de mesure est certain et égal à a0, la fonction d'onde psi(x) de la particule est fonction propre de l'opérateur  avec la valeur propre a0. Nous avons donc démontré les deux sens de l'équivalence sur laquelle nous allons maintenant pouvoir bâtir notre raisonnement, qui va conduire ultimement au postulat de la mesure en physique quantique. Pour arriver à ce principe, il nous faut encore examiner une autre notion importante, celle de mesure répétée sur une particule. Cette notion va faire l'objet de la séquence suivante.