Je vous propose de revenir sur les deux grands sujets évoqués par les témoins et
experts dans cet épisode.
Un, la question du statut juridique et du financement, et deux, la levée de fonds.
Premier grand sujet, le statut juridique et le financement.
Quand on pense entrepreneuriat social, on pense assez spontanément association pour
le statut juridique de l'entité à créer.
Or, les exemples de Simplon et Arborescence montrent que
cette question peut trouver des réponses très différentes.
Pour Arborescence,
Isabelle Combes était plutôt partie pour créer une société commerciale.
Elle vient du monde de l'entreprise commerciale classique.
Et c'est donc l'idée qui lui venait spontanément en tête.
Mais en s'interrogeant sur son modèle,
elle s'est rapidement aperçue que ce n'était pas possible.
Tous les parents ne pouvant pas financer à 100 % la scolarité de leur enfant,
le modèle d'Arborescence ne pouvait être que hybride, c'est-à-dire marchand avec
les frais de scolarité payés par les familles, mais aussi non marchand par
l'apport de subventions privées, ou sous certaines conditions, publiques.
Or, par exemple,
les fondations ne peuvent pas faire de dons à une structure commerciale.
Enfin, dans notre pays,
éducation et société commerciale ne font pas bon ménage.
Donc, Isabelle a décidé de créer une association.
Dans le cas de Simplon, l'objectif était de pouvoir faire une levée de
fonds importante pour maximiser l'impact du service en touchant le maximum de
personnes éloignées de l'emploi et ce, le plus vite possible.
Ceci débouchait automatiquement sur un statut de société commerciale.
Mais le statut juridique ne prédétermine pas systématiquement toute la gouvernance.
Il existe, pour chaque statut,
des marges de manœuvre pour l'entrepreneur qui peut se fixer ses propres règles.
C'est ce que Frédéric exprime quand il précise qu'il a demandé le label
d'entreprise sociale et qu'il a gravé dans le marbre des statuts de sa société les
éléments clés pour garantir la mission sociale de l'entreprise.
Ainsi, la lucrativité limitée, l'encadrement de l'échelle des salaires
ou la gouvernance participative sont, elles, inscrites dans les statuts.
Par ailleurs, Simplon a dû innover en créant en parallèle de la société
commerciale, sans lien organique avec elle, une association.
Comme vous l'a expliqué Isabelle, impossible de toucher des dons ou des
subventions publiques ou privées, ou d'émettre des reçus fiscaux donnant droit
à réduction de l'impôt avec un statut de société commerciale.
Donc, pour pouvoir bénéficier de ces financements précieux,
la création d'une association s'est donc imposée à Simplon.
Dans les cas de projets d'entrepreneuriat comme celui piloté par François Perrot,
le choix a été de ne pas créer d'entité juridique dédiée.
L'objectif, c'était ancrer le projet dans l'organisation existante en logeant les
activités du programme Affordable Housing dans les entités pays, et du coup,
dans le business as usual.
Ce programme est donc une ligne de business comme les autres ou quasiment.
Une telle approche garantie à la fois l'adaptation des solutions aux besoins
locaux, et l'adhésion des équipes locales au programme par la clarté du discours
business qui est portée.
Enfin, désirant s'ancrer lui aussi dans une activité clairement marchande,
Kahitouo a également choisi un statut de société commerciale.
Venons-en maintenant à la deuxième grande question : la levée de fonds,
ou plus globalement, comment financer son projet.
Précisons que cette question se pose à chaque stade de développement de
l'entreprise, au démarrage, bien sûr, mais ensuite,
à chaque changement d'échelle, à chaque franchissement d'étape.
Parfois, l'entrepreneur pense grand dès le départ.
C'est le cas de Frédéric Bardeau qui visait tout de suite un développement
national et qui est d'ailleurs maintenant, aujourd'hui, sollicité en Afrique.
Parfois, il faut un entrepreneur, une expérience aboutie d'un pilote pour penser
à l'essaimage, et c'est plutôt le cas d'Isabelle Combes qui,
après le premier succès de Nogent-sur-Marne en région parisienne,
a décidé d'ouvrir deux nouvelles écoles en province, à Lyon et Bordeaux.
Dans les deux cas, Simplon comme Aborescence, on note que
le contexte local, l'inscription dans un écosystème favorable, l'implication,
voire l'impulsion d'un porteur de projet bien ancré dans le territoire sont des
éléments décisifs dans la décision d'essaimage ou de développement et
que dans les deux cas, la grande question est alors, comment financer le projet?
Patrick Sapy a partagé avec vous son expérience de la levée de fonds très
significative puisqu'il en a réalisé trois correspondant à trois moments clés de la
vie de MicroStart.
D'abord, le lancement d'un pilote, ensuite,
l'essaimage dans plusieurs régions en Belgique, et enfin,
le développement de nouveau produits et notamment de la micro-assurance.
Il vous a expliqué qu'il avait choisi ses actionnaires avec une recherche de
cohérence forte avec le métier de MicroStart.
Ainsi, depuis le début de l'aventure, il a un actionnariat équilibré entre l'Adie,
association pionnière du microcrédit en France, il y a 25 ans, une banque,
dont les ressources financières sont indispensables à la distribution
des crédits,
et le Fonds européen d'investissement qui vise le développement du microcrédit.
Enfin, avec l'élargissement des activités à la micro-assurance,
il était important pour favoriser le déploiement de l'offre,
de s'appuyer sur un spécialiste de l'assurance.
Fondateur d'Eiréné 4 Impact au Maroc, un des premiers incubateurs sociaux en
Afrique, Leyth Zniber a partagé avec vous son constat d'un véritable engouement pour
l'entrepreneuriat, notamment social, en Afrique, dans un contexte où les approches
classiques d'aide au développement sont considérablement questionnées.
L'arrivée du groupe SOS en Afrique du Nord illustre bien cette tendance de
démultiplier les aides publiques par des investissements privés
et des initiatives entrepreneuriales.
Ainsi, on note un développement important du private equity
avec l'intervention de structures comme Investisseurs et Partenaires ou PhiTrust,
ou l'arrivée d'organisations de business angels qui sont des investisseurs qui
agissent exactement comme les investisseurs le font dans des entreprises
commerciales classiques.
Au Maroc ont émergé des concours fortement dotés et l'attribution de prix d'honneur.
Il y a donc de nombreuses opportunités de financement pour les entrepreneurs sociaux
en Afrique.
PhiTrust, qui est un des grands acteurs de l'impact investing en France,
a été créé par Olivier de Guerre.
Il faut souligner que l'impact investing vous concerne directement si votre projet
est marchand et si vous choisissez un statut de société commerciale.
Olivier a partagé avec vous, quelles sont, pour les équipes de PhiTrust,
les trois grands critères de choix des projets.
Un, le projet doit avoir une mission sociale claire.
Deux, l'équipe doit être solide.
Trois, le business plan doit tenir la route.
Vous avez donc là les trois premières questions à vous poser
avant d'aller voir les financeurs.