Comme vous l'aurez remarqué, ce cours est un cours d'optique classique,
c'est-à-dire que toutes les grandeurs considérées, notamment le
champ électrique sont considérées comme des grandeurs classiques.
Néanmoins, dans cette vidéo, nous allons faire une brève incursion dans le
monde de l'optique quantique où le champ est quantifié car un
certain nombre de phénomènes ne peuvent s'expliquer que dans ce cadre.
Commençons par revenir sur l'analogie entre l'émission
simulée et l'amplification paramétrique que nous avions déjà mentionnée.
Donc, comme vous le savez l'émission stimulée c'est lorsque vous avez un
système où il y a une inversion de stimulation comme par exemple ici ce
système à deux niveaux qui est dans l'état excité ou bien on sait qu'on peut avoir
amplification du rayonnement c-est-à-dire si vous avez ici un photon incident,
vous allez avoir deux photons suite à
la désexcitation de ce système vers son état fondamental.
Le deuxième photon aura les mêmes propriétés de phase que le premier photon,
ce qui donne naissance à un rayonnement cohérent qui est à
l'origine du fonctionnement du laser par exemple Comme on l'avait déjà dit,
l'amplification paramétrique nous fournit un mécanisme très similaire c'est-à-dire
que si on utilise un matériau non linéaire d'ordre deux et qu'on expose ce matériau à
un rayonnement intense qu'on va appeler la pompe à une
fréquence oméga trois et qu'on injecte dans ce matériau un rayonnement à
la fréquence oméga deux qu'on va appeler le signal, comme on l'a vu,
on avait une amplification de ce rayonnement signal et on avait vu que pour
de grandes distances de propagation on avait une amplitude du signal
qui était un exponentiel gL où g est le gain paramétrique et donc,
de manière très similaire à ce que l'on a en émission stimulée en
régime faible signal La seule différence entre les deux processus du point de
vue de l'utilisateur est qu'on a en prime un faisceau à la fréquence complémentaire
qu'on appelle aussi le lie leur qui est produit en plus du signal amplifié.
Il y a une grande analogie entre ces deux effets.
Maintenant, il y a un autre phénomène que vous connaissez certainement qui est
celui de l'émission spontanée.
Si on place le même atome dans son état excité,
cet atome ne va pas rester indéfiniment dans l’état excité.
C'est ce qui se passerait en optique classique s'il n'y a que l'atome dans le
système, c'est un état stationnaire et s'il est dans une état proche de
l'énergie il va rester indéfiniment dans l'état excité.
Mais si on met cet atome en présence du champ quantifié c'est-à-dire si on
tient compte du fait que le rayonnement doit être quantifié on observe et on
peut démontrer que cet atome va retomber dans l'état fondamental en
émettant un photon spontané de fréquence oméga sachant que h barre oméga est égal à
la différence d'énergie entre l'état excité et l'état fondamental.
À la différence du cas précédent où le photon émis avait la même phase que le
photon incident.
Évidemment, dans ce cas,
le photon émis aura une phase quelconque, ce qui signifie,
notamment, qu'il pourra être émis dans n'importe quelle direction de l'espace.
Il y aura une émission dans toutes les directions Donc,
c'est un processus spontané.
Pour l'expliquer correctement,
il faut faire une théorie qui quantifie le rayonnement électromagnétique.
Donc, cela sort largement du cadre de ce cours Mais ce qu'on peut dire néanmoins de
cette théorie quantifiée du rayonnement, c'est que vous aurez dans chaque mode une
énergie en fait qui sera un demi de H barre oméga, un petit peu comme dans
l'oscillateur harmonique où vous avez une énergie de point zéro et donc,
même dans le vide, vous allez avoir ce qu'on appelle les fluctuations du vide et
on peut, de manière très schématique dire que ce phénomène correspond finalement à
un processus d'émission stimulée mais qui est stimulée par les fluctuations du vide,
et c'est comme ceci que vous avez émission d'un photon spontané à
la fréquence oméga Qu'en est-il du même problème en optique non linéaire?
Imaginons maintenant, comme précédemment, qu'on ait un milieu non linéaire avons
avec une réponse d'ordre deux et qu'on le soumette à un faisceau donc intense mais
qu'on n'injecte pas de faisceau signal D'après les équations qu'on a résolue qui
sont dans le cadre de l'optique classique, on sait que si on n'injecte pas de signal.
Donc si vous vous rappelez alpha deux de zéro était égal à zéro,
dans ce cas-là, on n'a rien en sortie.
Donc, classiquement, on n'aura rien en sortie de ce système.
Mais si on tient compte à nouveau de la quantification du rayonnement,
on va voir que l'on pourra avoir une émission spontanée qu'on
appelle l'émission paramétrique et qui pourrait être également vue comme le
processus précédent d'amplification paramétrique mais où ce sont les
fluctuations du vide qui ont produit ce mécanisme où vous aurez finalement eu la
fission d'un photon incident à la fréquence oméga trois en deux photons.
Un photon de fréquence oméga deux et un photon de fréquence oméga un
sachant bien sûr que l'énergie doit être conservée.
C'est le processus d'émission paramétrique ou de fluorescence paramétrique et
qui est l'analogue de l’émission spontanée mais dans le cadre de
l'optique non linéaire dans un processus de mélange à trois ondes.
Intéressons-nous donc de plus près à ce phénomène d’émission paramétrique qui va
se produire dès lors que l'on soumet un milieu avec une susceptibilité non
linéaire d'ordre deux à un faisceau pompe suffisamment intense.
Dans ce cas-là, on s'attend, d'après ce que je viens de dire,
à une émission de photons aux fréquences oméga un et oméga deux.
Quelles sont les conditions sur ces photons?
Bien évidemment, il faut qu'ils vérifient la conservation de l'énergie et,
bien évidemment, la somme d'oméga un et oméga deux doit être égale à oméga trois
où en terme d'énergie de photons, il faut que H barre oméga un plus h barre oméga
deux soit égale à h barre oméga trois, mais ce n'est pas la seule condition.
Si on regarde le résultat obtenu, voici ce que vous obtenez.
Vous avez un bel anneau ici multicolore.
Donc, ça c'est une expérience qui a été faite par Béatrice Chatel au
laboratoire Collision Agrégats Réactivité qui est unité commune entre le CNRS et
l'université Paul Sabatier à Toulouse Dans cette expérience,
vous avez une faisceau qui se propage Donc un faisceau pompe que
je vais dessiner ici en noir, qui se propage dans cette direction-là.
Avec une longueur d'onde de 400 nanomètres.
et ce faisceau traverse un cristal non
linéaire qui serait ici, par exemple, et, ce qu'on va observer,
c'est une émission paramétrique donc, ce phénomène de fluorescence paramétrique
dans cette direction là et comme vous le voyez d'après l'expérience on
a une symétrie de révolution par rapport à la direction du faisceau lumineux.
Qu'est-ce qui fait que les photons verts vont être émis dans cette direction là,
que les photons rouges vont être émis dans une autre direction?
C'est tout simplement la condition d'accord de phase.
Il faut non seulement que l'énergie se conserve mais il faut aussi que la
quantité de mouvement se conserve, c'est-à-dire que h barre k trois,
la quantité de mouvement du photon pompe soit égale à la somme de h barre k deux et
h barre k un C'est donc une autre façon d'interpréter la condition d'accord de
phase que nous avions déjà discutée Et comme on a vu, quand on est en
géométrie non co-linéaire, on va avoir une certaine condition d'accord de
phase qui va permettre à des photons de fréquence donnée, par exemple les verts,
en ajustant cet angle pour que l'on puisse avoir cette somme vectorielle vérifiée on
pourra réaliser la condition d'accord de phase et on avait vu que cette condition
d'accord de phase dépendait uniquement de l'angle alpha que l'on pouvait exprimer à
l'aide d'alpha prime et donc on voit bien pourquoi on doit avoir cette symétrie de
révolution ici autour de la direction du faisceau pompe.
Ensuite, évidemment, pour chaque fréquence, vous allez trouver un
angle alpha qui convient pour assurer l'accord de phase et c'est pour ça
que vous avez ici une dispersion des longueurs d'ondes dans cet anneau.
Ce que vous voyez-là,
c'est l'anneau correspondant à l'émission des photons associés au signal.
Vous avez également un anneau correspondant aux photons complémentaires
mais, comme ils sont dans l'infrarouge, on ne va pas les voir sur cette photographie.
C'est le fameux anneau de fluorescence paramétrique qu'on observe
simplement en envoyant un faisceau pompe dans un cristal non linéaire.
Donc, on a eu besoin de l'optique quantique pour expliquer ce phénomène
mais, inversement, ce phénomène est aussi très utilisé en optique quantique D'une
part, on va avoir genération de ce qu'on appelle des paires de photons jumeaux car,
en effet, ces deux photons signal et complémentaire prennent naissance en
même temps dans le cristal.
Ils sont nés en même temps.
Ce sont des jumeaux.
Ils ont des propriétés, évidemment,
qui vont être très fortement corrélées et ça se sera très intéressant en optique
quantique Il y a diverses expériences qu'on peut faire avec ces photons.
L'une d'entre elles, par exemple, c'est que si on refait ensuite de l'addition de
fréquences entre ces deux photons de fréquence oméga un et oméga deux pour
reproduire la fréquence oméga trois, comme les photons sont émis par paires,
la probabilité d'avoir une addition de fréquence va
être beaucoup plus élevée que ce qu'on aurait obtenu avec des photons classiques,
ce qui a été montré par l'équipe de Yarrang et Berberg à
l’institut Weissmann en Israël, c'est que la probabilité d'addition de
fréquences était en fait proportionnelle à l'intensité de ce faisceau et non pas à
l'intensité au carré comme on l'aurait avec des photons classiques.
C'est une conséquence du fait que les photons sont émis par
paires qu'on a bien des photons jumeaux.
Un autre exemple d'application de ces paires de photons jumeaux,
c'est la génération d'état à un photon.
On appelle ça une certaine forme d'état de phoque avec N égal un.
Ainsi, vous êtes sûr que vous avez un photon dans votre mode.
Pour cela, il suffit de placer un détecteur sur, ici,
le faisceau correspondant au faisceau complémentaire, donc dans une des
directions de l'anneau de fluorescence paramétrique pour le complémentaire.
Et puis, si jamais vous détectez un photon.
Cela va arriver assez rarement, mais si vous détectez un photon sur ce détecteur,
vous êtes sûr que vous avez un autre photon à la fréquence oméga deux.
Et vous savez exactement dans quelle direction il va être émis.
Donc, vous aurez production d'un photon et, de manière certaine, vous savez que
vous êtes dans le même état n égale 1, vous avez un photon, et un seul, dans ce
mode, ce qui sera très intéressant pour des applications en optique quantique.
Dernière chose : si on utilise un accord de phase de type deux,
on peut montrer que, dans ce cas, les deux anneaux de fluorescence paramétrique ne
sont pas concentriques comme dans ce cas,
et au point d'intersection entre ces deux anneaux, vous avez deux chemins
indiscernables qui permettent de produire ce qu'on appelle des états intriqués,
c'est-à-dire un état du type un photon polarisé verticalement et
l'autre polarisé horizontalement superposé avec la situation inverse, et là encore,
ce sera très utile pour des applications en optique quantique.
Un autre exemple d'utilisation d'optique non linéaire au service
de l'optique quantique, c'est ce qu'on appelle la génération d'états comprimés,
ou squeezed states, en anglais.
On appelle ça aussi le squeezing.
Pour cela, considérons pour commencer un champ classique,
comme ce qu'on a vu jusqu'à maintenant, le champ E de t,
représenté ici par une fonction sinusoïdale.
Donc le champ E de t, on a vu que c'était la partie réelle du champ complexe,
on avait écrit ça à l'aide de l'enveloppe, ici A, qui peut éventuellement dépendre de
z, donc on a partie réelle de A exponentielle moins i oméga t.
Et puis on avait également exprimé A à l'aide de ce paramètre alpha,
donc le carré était le flux de photons.
Donc le champ électrique classique,
c'est la partie réelle de alpha exponentielle moins i oméga t.
Donc on aura par exemple la fonction représentée ici.
Comme on a ici un cosinus, ça veut dire que cette fonction correspond à
une situation où la grandeur alpha est un nombre réel,
c'est-à-dire représentée par ce point ici, dans le plan complexe,
donc un plan complexe qui correspondra à alpha égale la partie réelle de alpha,
que j'appelle alpha q plus i fois sa partie imaginaire alpha p.
Comme j'ai ici un cosinus,
alpha correspond à ce point ici, qui est sur l'axe réel.
Donc ça, c'est la version classique du champ électrique.
En optique quantique, vous allez avoir du bruit quantique,
c'est-à-dire que votre champ va être un champ aléatoire,
et vous aurez des fluctuations, ici, qui vont être responsables du fait que,
quand on fait une mesure, on aura une limite, la limite quantique standard,
qui va produire une limite à la précision de votre mesure.
En d'autres termes, si on mesure n photons,
vous savez qu'on pourra mesurer plus ou moins racine de n photons,
on aura un bruit quantique qui sera la racine carrée du nombre de photons.
Ces fluctuations quantiques vont se manifester par le fait que vous avez ici,
dans le plan complexe, alpha,
un étalement de la tache représentant cette grandeur alpha q plus i alpha p.
Donc vous allez avoir un étalement de la quadrature alpha p,
donc vous aurez ici une largeur Delta alpha, et puis, de même,
un étalement selon cet axe Delta alpha q.
Et, ce que nous dit l'optique quantique, c'est que vous allez avoir une relation
d'incertitude de Heisenberg, qui nous dit que le produit des incertitudes sur les
deux quadratures, Delta alpha q Delta alpha p sera supérieur ou
égal à une borne inférieure qui va faire intervenir la constante de Planck,
mais qui fait intervenir d'autres paramètres dépendant du temps
d'intégration de la mesure, et cetera, et que je vais simplement appeler epsilon.
Et donc cette borne inférieure fait que, pour un état de ce type,
qui a une forme un peu circulaire, on va avoir des limites sur le
bruit des mesures, c'est ce qu'on appelle la limite quantique standard,
et donc par exemple ce bruit photon que j'évoquais tout à l'heure, qui fait que,
quand on détecte n photons, il y aura une incertitude de l'ordre de racine de n.
Donc ça, c'est pour un champ qu'on va appeler classique,
avec des fluctuations en plus, qui a cette forme-là.
Mais, grâce à l'optique non linéaire,
on va être capable de créer des états un petit peu différents.
Donc imaginez qu'on prenne un amplificateur paramétrique dans le
cas dégénéré qu'on avait évoqué dans une vidéo précédente,
soumis à une pompe très intense,
et qu'on injecte dans cet amplificateur à géométrie dégénérée un signal
à la fréquence qui est exactement égale à la moitié de la fréquence de pompe.
On avait vu que, dans ce cas l'amplitude du signal à la sortie du cristal,
alpha de L, prenait cette forme,
c'est-à-dire qu'on avait une amplification dépendante de la phase.
On reconnaît ici la quadrature alpha q correspondant à la partie réelle de alpha,
et puis ici, la quadrature alpha p.
Et comme vous le voyez, la quadrature alpha q va être amplifiée,
puisqu'elle est en exponentielle g L, tandis que la quadrature alpha p
va être atténuée, au contraire, elle va être désamplifiée.
Et donc, si maintenant on regarde cet état qui avait une forme bien circulaire en
sortie du cristal, on voit qu'il va avoir cette forme.
Il va être comprimé, il va être écrasé dans la direction alpha p
et au contraire étalé dans la direction alpha q.
Donc vous aurez plus de bruit sur cette quadrature-là et moins de
bruit sur l'autre quadrature.
Qu'est-ce que ça veut dire sur notre champ?
D'une part, son amplitude va augmenter, mais surtout, ce que vous pouvez voir,
c'est que, comme on aura une quadrature où il y aura plus de bruit,
vous aurez ici une augmentation de l'effet des fluctuations sur le champ électrique,
mais par contre, pour la quadrature déphasée de Pi sur 2,
ce qui correspond ici au point où le champ croise l'axe des abscisses,
là on aura beaucoup moins de fluctuations.
Et ce résultat peut être utilisé pour faire des mesures qui vont être en
dessous de ce qu'on appelle la limite quantique standard,
et donc ça a évidemment un grand nombre d'applications.