[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour. Dans cette séquence, nous allons aborder la question de la transition à l'âge adulte chez les personnes avec un trouble du spectre de l'autisme. Dans cette séquence, j'aurai la chance de m'entretenir avec la professeure Julie Ruel, qui est spécialiste de cette question de la transition, et qui va nous transmettre un certain nombre d'éléments importants à ce sujet. Bonjour Julie. Merci beaucoup d'être avec nous. >> Merci. Ça fait plaisir. >> Je voudrais commencer par une question très simple pour toi : est-ce que tu peux nous expliquer qu'est-ce que c'est qu'une transition, et puis qu'est-ce qu'on sait des périodes de transition chez les personnes avec un trouble du spectre de l'autisme? >> D'abord, la transition, c'est important de comprendre que c'est une période de temps. Mais c'est une phase à court terme qui s'inscrit dans une trajectoire à long terme. En mots plus simples, ça veut dire que la façon dont se déroule cette transition à court terme peut avoir des répercussions sur la vie de la personne à long terme. C'est important de comprendre ça parce que la transition vers la vie adulte pour les personnes qui ont un TSA, c'est une transition complexe. Le passage d'adolescent à adulte se réalise à plusieurs stades de la vie de la personne, et on sait que c'est la transition qui influence le plus l'avenir de la personne. Ce qui fait que c'est important de bien s'en occuper parce qu'on sait, selon les études, que pour le jeune TSA, on remarque des difficultés d'ajustement à sa vie adulte. Et il semble que cette transition n'est pas assez bien préparée ou planifiée, et puis elle s'accompagne souvent de la perte du soutien formel. Le jeune perd finalement toutes les ressources formelles qui ont été établies durant le cours de ses études jusqu'à ses 17-18 ans. Et les parents sentent que tout à coup, la responsabilité leur revient, alors c'est assez difficile. Aussi, il y a des jeunes qui poursuivent des études post-secondaires. Malgré cela, on se rend compte que le taux de réussite de ces jeunes TSA comparés aux autres personnes qui ont une situation d'handicap, ils ont un taux de réussite plus faible et que le risque de décrochage est plus élevé. Et il y a plus ce genre de problème de santé mentale qui se développe à cette période-là. Par contre, il ne faut pas oublier que chaque personne vit sa propre transition de façon différente, et tout ce que j'ai nommé ne s'appliquera pas nécessairement aux jeunes qui vivent la transition vers la vie adulte. >> Tu as déjà évoqué certaines pistes dans ta première réponse, mais finalement, qu'est-ce qu'on connaît des facteurs qui influencent positivement la transition à l'âge adulte chez ces jeunes avec TSA? >> Déjà, en disant que c'est une période, on sait qu'on a un peu de temps devant nous. Mais pour la transition vers la vie adulte, la transition est prévisible. On est chanceux, on peut la planifier d'avance. Et souvent, une transition de vie adulte pour des jeunes qui sont en situation de handicap, on suggère de la commencer même dès l'âge de 14 ans. Certains vont la commencer vers 16 ans, ça dépend des milieux scolaires, mais il faut la débuter tôt. Il faut former une équipe de transition, réunir, mobiliser les acteurs, les personnes qui entourent le jeune, sa famille, pour partager la responsabilité de cette transition. Parce qu'on a beaucoup de choses à travailler, mais notamment, il faut travailler l'auto-détermination du jeune. Ça, c'est marquant. Les jeunes qui sont plus autodéterminés traversent mieux leur transition et ont plus de chances d'avoir un emploi à la fin de la transition. Développer aussi leurs compétences en défense des droits, connaître ses droits et être capable de les défendre. Ça, ce sont des pistes intéressantes. Aussi, on dit que c'est la perte du soutien formel, donc déjà penser en termes de développer des ressources de soutien. Ça peut être proposer un mentor, mais d'avoir des ressources de soutien. Apprendre des nouvelles techniques de travail. Ils vont changer de milieu, donc il y a de nouveaux apprentissages à faire. Être capable d'explorer ces façons de faire. Soutenir les familles. On disait tout à l'heure que souvent, les familles se sentaient responsables. Est-ce qu'on peut les renseigner sur les services disponibles? Est-ce qu'on peut aborder leurs craintes? Est-ce qu'on peut favoriser qu'ils se rencontrent en groupes de parents pour partager leurs préoccupations? >> Oui, tout à fait. On parle souvent, dans la littérature, de l'importance de pouvoir créer un plan de transition. Est-ce que tu peux nous expliquer de quoi il s'agit, et puis qu'est-ce qu'on a comme outils ou comme ressources pour vraiment bien préparer cette transition? >> Le plan de transition, selon moi, c'est l'outil privilégié de la planification de la transition. On dit depuis tout à l'heure de planifier d'avance, de commencer tôt. Mais on ne peut pas le faire seul. Ce n'est pas un papier qu'on écrit. C'est au-delà d'un papier co-signé, c'est vraiment une démarche dans laquelle le jeune, sa famille, toutes les personnes qui l'entourent, les services actuels et les services en devenir, doivent être mobilisés. Ça veut dire planifier et mettre en place des ressources, des actions, des services pour mieux arrimer les services, pour ne pas qu'il y ait un trou de services. C'est soutenir les apprentissages. La transition vers la vie adulte est la plus complexe. On doit agir sur plusieurs facettes du jeune, de sa vie. Ça peut être par rapport à l'emploi, sa vie sociale, le logement, sa santé, apprendre les ressources communautaires, les ressources du quotidien, comment vivre en appartement. Vraiment, il y a tellement de choses à faire que c'est pour ça qu'on commence tôt, en favorisant que, selon le développement du jeune, on peut travailler sur certaines facettes plutôt que d'autres, mais de le faire de façon concertée pour qu'il ne se sente pas tout seul là-dedans, ni la famille, et qu'on structure et organise les services à offrir au jeune. L'important ce serait l'outil privilégié. Quand vous parlez d'avoir des outils, ça serait celui qui serait privilégié selon moi. Et c'est sûr qu'il y a des ressources qui existent. Si vous êtes capable de mettre l'adresse des cartes routières vers la vie active, vers la vie adulte, ça vous permet d'avoir des ressources qui ont été développées. >> Merci beaucoup, Julie, pour toutes ces informations. Et quand on parle de la transition à l'âge adulte, on pense forcément orientation professionnelle. Quelles démarches on peut faire pour accompagner les jeunes dans cette question qui est si difficile parfois? >> Il y en a plusieurs, c'est sûr. Dans un temps réduit, je vais en aborder quelques-unes. Encore ici, débuter tôt. Vous allez dire, je radote un peu, expression québécoise, radoter. Oui, je radote, mais débuter tôt. Le jeune, pour développer ses compétences socio-professionnelles, il faut qu'il ait été exposé depuis un certain temps, le plus tôt possible, pour développer ses intérêts, ses capacités aussi de prendre des responsabilités. Ça peut même être des travaux bénévoles dès l'enfance : aider le voisin, faire des activités à la mesure du jeune. Ça peut être formel, informel, avec des responsabilités variées selon les capacités du jeune, avec ou sans rémunération. Ça peut être aussi offrir des stages variés en milieu scolaire, développer des lieux, des espaces, des endroits où le jeune peut aller explorer. Offrir des cours d'éducation au choix de carrière. Parce que souvent, on oublie cette facette-là pour des jeunes TSA. Le but c'est d'explorer des intérêts, développer des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être, parce que c'est nécessaire pour préparer l'avenir. J'ai autre chose que je veux vous dire. Aussi, on s'est rendu compte que les activités de développement socio-professionnel sont essentielles. Parfois, même si on a mis tout ce que je viens de nommer, il reste encore des apprentissages à faire. Et il y a des chercheurs qui ont mis en place des formations spécifiques, des formations pour développer les compétences en emploi, deux heures par semaines pendant dix semaines, et ont vu des résultats suite à ça. La formation n'est pas juste sur l'habileté professionnelle, technique par rapport à l'emploi, mais surtout aussi au niveau des us et coutumes du milieu, les usages, les conventions qui ne sont pas écrites sur papier mais que le jeune doit apprendre, les habiletés sociales ou communicationnelles en contexte d'emploi, et aussi développer ses stratégies d'adaptation, parce qu'il va en avoir besoin. Et surtout, et je terminerai là-dessus, développer des milieux où le jeune peut aller exercer des emplois. C'est très important, parce qu'on aura beau développer ces capacités, s'il n'y a pas de lieu pour venir exercer ces capacités, on travaille un peu dans le vide. Mais milieu d'emploi, il ne faut pas juste développer le milieu, on le soutien, on le sensibilise, on le forme, on les aide à trouver des stratégies efficaces pour savoir comment accueillir les gens qui ont un TSA, identifier des accommodements, mettre en place des ressources pour les soutenir. Et surtout, nous, si on veut développer ces milieux-là, on doit se rendre disponible pour les accompagner au-delà de l'intégration du jeune, à la fois travailler au nom des compétences du jeune, mais travailler au nom des compétences des milieux à bien les accueillir. >> Merci beaucoup, Julie, pour toutes ces informations vraiment précieuses. >> Merci. >> Dans cette séquence, vous avez appris quelles sont les informations importantes et les défis particuliers relatifs à la transition à l'âge adulte chez les jeunes avec un TSA, ainsi que les ressources et les démarches à mettre en place pour favoriser cette transition à l'âge adulte. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]